La destinée de la petite bergère brûlée vive en 1431 à Rouen a toujours fasciné écrivains, cinéastes et compositeurs et continue, six siècles après, à susciter passions et controverses… Judith Chemla et Yves Beaunesne retournent au plus près de ce qu’elle fut. Pour cela, ils ont puisé dans les authentiques minutes de son procès. Là, ils dénichent une noblesse de cœur émouvante, une poésie terrienne, charnelle et mystique. Ils donnent à voir la paysanne analphabète qui se déjoue avec intelligence et intuition de ses juges – tous des hommes. Au centre de la scène, un octogone de bois symbolise la prison de Jeanne et peut-être aussi une toile d’araignée. Au plafond, un miroir jouant avec l’image délimite l’espace des juges – parmi eux, Jean-Claude Drouot ou encore Jacques Bonaffé, dans le rôle de l’évêque Cauchon. Dépassant la figure historique, Judith Chemla campe cette villageoise devenue porte-voix d’un peuple illettré, soumis à la toute puissance cléricale et féodale. Et par extension peut-être aussi, le porte-voix des femmes invisibilisées d’aujourd’hui : femmes de ménage, aide-soignantes, caissières, agricultrices… La partition convoque des musiciens ayant travaillé autour de la figure de Jeanne d’Arc (Tchaïkovski, Verdi, Rossini…). Interprétée sur scène par six musiciens-chanteurs, elle offre un champ de résonance à la parole de Jeanne.