/

François Rollin à Dieppe : « Le capitalisme est la plus grande des censures »

photo Yann Renoard
photo Yann Renoard
photo Yann Renoard

C’est absurde. C’est grinçant. C’est François Rollin. Cette fois, Le Professeur Rollin se rebiffe, titre du nouveau spectacle de l’humoriste et metteur en scène qui vient égratigner avec intelligence et subtilité la bien-pensance, le politiquement correct. François Rollin joue vendredi 16 septembre à la scène nationale de Dieppe après la présentation de saison. Entretien.

 

Se rebiffer, est-ce aujourd’hui la meilleure attitude ?

Chacun fait comme il veut… Mais rester les bras ballants n’est pas la meilleure attitude à avoir. Je ne veux pas non plus donner de leçon. Par rapport à la situation actuelle, il est préférable de se rebiffer.

 

Est-ce que vous vous rebiffer depuis longtemps ?

Je suis plutôt détendu et pacifique de nature. Cette idée de la nécessité de réagir est en effet relativement récente.

 

Est-ce que vous vous rebiffiez lorsque vous étiez adolescent ?

Non, pas tellement. A part en mai 1968. Mais je n’étais pas tout seul et cela s’imposait.

 

Pourquoi vous rebiffez-vous aujourd’hui ? Quel a été l’élément déclencheur ?

Tout vient de la vague d’attentats en janvier 2015, renforcée par celle de novembre. Cela change la donne, la philosophie sociale. Cela a causé un traumatisme suffisamment grave. Nous devons réfléchir à de nouvelles attitudes.

 

Sommes-nous prêts ?

Ce n’est pas très mûr mais il faut faire le premier pas. Je vois bien que nous sommes plutôt un public assoupi, découragé mais ce n’est pas définitif.

 

Se rebiffer demande une réelle réflexion ?

Oui et c’est pour cela que c’est un peu fatigant. Bon, certains préfèrent la télévision.

 

Se rebiffer, est-ce une colère, une révolte ?

Non, se rebiffer, c’est réagir. Il ne faut pas s’endormir avec un mode de pensée jusqu’à la tombée ultime. Il est nécessaire de se stimuler pour être vivant, pour des acteurs et non seulement des consommateurs.

 

C’est échapper à la bien-pensance ?

C’est un aspect de la chose. La bien-pensance est un empêchement de penser, un cul-de-sac. C’est pour cette raison qu’elle a un succès.

 

Est-elle davantage présente lors des campagnes électorales ?

Non, une campagne électorale est par nature le moment où on secoue les neurones, on réfléchit, on échange, on dialogue, on se confronte. Désormais, les échéances électorales ne sont plus si importantes. Nous sommes dans un système qui ronronne et qui ne règle pas grand-chose. Et ce système perdura si on n’injecte pas de l’énergie, du souffle, de l’esprit.

 

 

 

 

Où est la censure aujourd’hui d’après vous ?

Elle est molle. Le capitalisme est la plus grande des censures. Avec cette économie de marché, on ne raisonne plus en fonction des valeurs morales, esthétiques… La société devient ainsi bloquée.

 

Quelle est la place de l’humour ?

Elle est nécessaire. Dans une société endormie, les paroles sont identiques et ne sont pas audibles. L’humour est un vecteur de communication plus efficace.

 

Est-ce une forme d’engagement ?

Oui et cela a donné un nouveau sens à ma vie.

 

Comment a évolué le professeur Rollin au fil de ces années ?

Il évolue en effet. Il est de plus en plus impliqué dans ses problématiques socio-politiques, humanistes. Il est moins dans le divertissement, dans la poésie éthérée mais plus ancré dans la réalité.

 

Est-ce que faire de la politique vous tente ?

Non. Cela aurait pu me tenter mais, comme je vois que les ressorts ne sont plus du côté politique, j’ai envie d’être ailleurs.

 

  • Vendredi 16 septembre à 21 heures à la scène nationale de Dieppe. Spectacle gratuit. Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr
  • Présentation de saison à 18 heures.