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Frédéric Cherboeuf joue Astrov dans « Oncle Vania »

photo Cébé
photo Cébé

Oncle Vania est une réflexion sur l’homme, ses travers, ses désespoirs… Dans cette pièce, écrite en 1890, Anton Tchekhov dissèque avec une grande précision l’âme humaine. L’histoire : le vieux professeur Serebriakov décide de revenir dans la datcha de sa première épouse, Vera, en compagnie de la jeune et belle Elena. Cette arrivée va provoquer un séisme dans la vie des occupants de cette maison : Sonia, la fille, Vania, le frère de Vera, Maria, la mère, Marina, la nounou, Teleguine, l’ami. Autour de cette famille désabusée et enfermée dans une routine, il y a le docteur Astrov. Serebriakov est revenu avec une idée en tête : vendre la maison et repartir vite en ville. D’autant qu’Elena a un pouvoir de séduction sur les hommes. Tout cela va créer de réelles tensions. Catherine Delattres revient à Tchekov avec ce huis clos. La compagnie joue dans différentes salles de la région jusqu’en hiver. Entretien avec Frédéric Cherboeuf, comédien qui joue le docteur Astrov.

Est-ce que le docteur Astrov est le personnage le plus serein ?

Je pense qu’il n’y aucun personnage serein dans cette pièce. Tous sont tourmentés et ont une propension à la catastrophe. Ils sont aussi inactifs. C’est ce qui différencie Astrov. Lui est dans l’action. Il va soigner les gens et les arbres. Il est entreprenant. Il représente le lien entre l’intérieur et l’extérieur de la maison. Il est le seul à être connecté avec le monde, la nature… Cela lui donne en effet une forme de sérénité. Mais il est quand même alcoolique, désespéré. Et il a renoncé à l’amour.

Pourtant il est amoureux d’Elena.

Il est amoureux d’Elena et elle va l’entraîner dans l’apathie, l’inaction. L’amour, le désir sont, pour lui, contraires à sa vocation.

Est-il un spectateur désolé de la vie de cette famille ?

Il est comme nous face à une catastrophe. On peut être un spectateur et se dire : ça y est, on est passé de l’autre côté et il n’y a plus rien à faire. Ou alors on agit. Astrov va se situer entre les deux. Il est résigné face à ces personnages inactifs et il continue à soigner. Il éprouve aussi du désir pour Elena.

Il est aussi un écologiste.

Le texte a un côté prophétique. Tchekhov parle de l’écologie. Astrov va s’alarmer des dérèglements climatiques, de la disparition des animaux, de la maladie des arbres, du dessèchement des rivières. On savait que Tchekhov avait un rapport à la nature. On dit aussi qu’Astrov pourrait être son double. Ils ont deux vocations. Tchekhov, c’est l’écriture et la médecine. Astrov, c’est la nature et la médecine. 

Est-ce qu’Astrov est un personnage binaire, comme les autres ?

Il n’échappe pas à cette règle. Tous les personnages sont binaires dans Oncle Vania. C’est ce qui fait la tragédie. Même s’il y a une tentative de meurtre et un adultère. Ce n’est pas rien mais au regard d’une série américaine, ce n’est pas grand-chose. Astrov est en contradiction avec lui-même. Il veut être libre mais il est attiré comme un aimant par cette maison.

Comment avez-vous abordé ce personnage complexe ?

On représente souvent Astrov comme un médecin chic avec une élégance surannée. En fait, c’est un terrien. Il a de la boue sur ses chaussures. Il peut tenir des discours élaborés avec un certain raffinement et arpenter les forêts. Il y a aussi chez lui une forme de brutalité. Avant Oncle Vania, Tchekhov a écrit Le Sauvage ou l’homme des bois. Ce sauvage, c’est lui. J’ai voulu arriver assez vierge pour aborder ce personnage et constituer une mémoire. Au début, un patient est mort sur la table d’opération. C’est la première fois que cela lui arrive. Ce qui doit être traumatisant. On commence avec ce traumatisme, avec cette faille ouverte. Le renoncement va s’engouffrer dans cette faille. Il faut également s’interroger sur sa solitude, son rapport à l’alcool. Toutes ces choses vont faire ressortir le côté le plus noir d’Astrov. C’est un personnage passionnant.

 

La tournée de la compagnie Delattres

  • Jeudi 11 et vendredi 12 octobre à 20h30 au Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray. Tarifs : de 15 à 8 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 91 94 94.
  • Du 28 au 30 novembre à 20 heures à la chapelle Saint-Louis à Rouen. Tarifs : de 16 à 3 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr
  • Mardi 4 décembre à 20 heures au théâtre du château à Eu. Tarifs : de 15 à 10 €. Réservation au 02 35 50 20 97 ou sur wwwtheatreduchateau.fr
  • Vendredi 14 décembre à 20 heures à Théâtre en Seine à Duclair. Tarifs : 20 €, 15 €. Réservation au 09 82 35 32 09 ou au 06 12 66 45 31 ou sur www.theatrededuclair.fr
  • Mardi 22 janvier à 20h30 à Juliobona à Lillebonne. Tarifs : 17 €, 14 €. Réservation au 02 35 38 51 88 ou sur www.juliobona.fr

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