Juliette Speck est une Bénédicta bouleversante

photo : Émilie Sfez

Lorraine de Sagazan et Juliette Speck reprennent La Poupée barbue après la création lors d’un Labo et une tournée en Afrique. Cette fois, elles sont avec ce récit poignant au lycée où se déplace le CDN de Normandie Rouen pendant cette crise sanitaire. 

« La première fois que j’ai lu le texte, je me suis demandée si j’étais capable de le jouer, de transmettre ce message. J’avais peur de ne pas être à la hauteur, de mal l’interpréter. Pour moi, ce fut un vrai challenge ». Et il est réussi. Juliette Speck est époustouflante dans La Poupée Barbue, une pièce de théâtre d’Édouard Elvis Bvouma mise en espace par Lorraine de Sagazan et reprise au lycée Les Bruyères à Sotteville-lès-Rouen avec le CDN de Normandie Rouen.

La Poupée barbue, prix RFI-Théâtre 2017, est le récit d’une enfant soldate dans un pays en guerre. Elle s’est enfuie du camp de réfugiés où elle a été recueillie après l’assassinat de ses parents. Là, elle raconte à Boy Killer, un adolescent, soldat, lui aussi, sa vie, son viol, sa grossesse, son accouchement, ses peurs, aussi sa colère, sa douleur et ses blessures profondes qui ne pourront jamais s’effacer. L’histoire de Bénédicta, qui préfère qu’on l’appelle Beretta est bouleversante, tragique, parfois tendre.

Pour Juliette Speck, « elle est éprouvante. Les mots traversent le corps. Ils sont crus. Il faut de l’énergie pour jouer ce texte. Après chaque représentation, je sors vidée parce que je dois donner beaucoup de moi-même ». La comédienne donne à voir une partition théâtrale physique. Elle est à la fois cette soldate au regard glaçant, aux gestes brusques et aussi cette jeune fille qui esquisse quelques pas de danse et découvre un amour naissant.

« Tout reprendre »

Avec La Poupée barbue, Juliette Speck est seule face au public. Une première pour elle. « Je sortais de l’école où j’avais l’habitude de jouer avec mes partenaires. Dans un groupe, quand on a un oubli, quelqu’un peut toujours improviser. Là, c’est à moi de trouver la solution. Le texte est maintenant bien ancré ».

Ce ne fut pas simple. « Lorraine m’a beaucoup aidée. J’ai commencé par travailler le texte avec mes propres mots pour voir si j’avais bien tout compris. Cela m’a permis de me l’approprier et de rendre l’histoire plus réelle ». Juliette Speck et Lorraine de Sagazan ont créé La Poupée Barbue lors d’un Labo au CDN de Normandie, puis l’ont présenté dans plusieurs pays africains. Après une longue pause, « il a fallu tout refaire, reprendre l’histoire. Dedans, il y a des micro-détails qui sont très importants ».