Kader Attou : « Il faut savoir dépasser l’horizon »

photo : Mirabel White

La danse de Kader Attou est pleine d’élan et d’énergie communicative, inventive et spectaculaire. Même quand le danseur et chorégraphe raconte les tourments du monde, il laisse toujours entrevoir une lueur d’espoir. Dans Allegria, une pièce pour huit danseurs, à voir les 21 et 22 septembre au Rive gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray et le 5 octobre à la scène nationale de Dieppe, Kader Attou enchante ce monde avec sa poésie et sa magie. Entretien avec le fondateur de la compagnie Accrorap et directeur du centre chorégraphique national de La Rochelle.

Pour cette création, Allegria, vous avez voulu « chercher la poésie partout où elle se trouve ». Avec quels yeux avez-vous regardé ?

J’ai regardé avec ma sensibilité. La poésie n’est pas seulement un texte écrit. Elle est à l’endroit de l’émotion, de la performance, de la corporalité… Il faut ensuite lui trouver une forme, un corps, une danse. J’ai cherché dans ce monde ce qui me touche. Ce que j’aime dans le travail, c’est suggérer les choses. Après, chacun s’approprie ce qu’il veut. J’ai fait mienne cette phrase : le public doit ressortir différent d’un spectacle.

Comment voulez-vous que le public ressorte d’Allegria ?

Avec de la joie ! J’ai eu envie de faire du bien. C’est bizarre de dire cela. Avec chaque création, nous voulons partager des choses. Mais ce qui m’importe, c’est de raconter une histoire. Jusqu’alors, je me suis interrogé sur l’histoire du ballet, sur la danse contemporaine… Chaque spectacle a un contenu. Le lien entre toutes ces pièces, c’est le partage. C’est quelque chose qui me correspond. Je veux garder cette priorité : faire en sorte que le public ressorte avec le sourire. Je ne suis pas dans le divertissement. Je n’ai pas une écriture pour plaire. Je veux aller à l’endroit d’une recherche. Lors de ce spectacle, il y a de la joie et de la légèreté. Mais ce n’est pas de la joie gratuite.

« Je veux rester connecté à cette part d’enfance »

Cette joie a toujours été inscrite dans le hip-hop.

L’essence du hip-hop, c’est le partage, le partage d’une énergie. Cette danse est née d’un phénomène social, sociétal et d’un divertissement à la télévision. Ce n’est pas du tout la même histoire aux États-Unis. Danser me faisait du bien. Pourtant, j’y comprenais que dalle. J’étais avec les copains, heureux. On s’entrainait pour faire telle ou telle figure. Cela fait quarante ans que je danse, trente ans que je suis dans la profession, je pense avoir gardé cette même fibre. J’essaie de trouver ma place, de laisser une trace. Et je le fais avec ma sensibilité.

Où allez-vous en premier chercher la poésie ?

Je ne sais pas. Je suis né à Lyon dans une banlieue. Je suis l’instrument d’une double culture. J’ai été baigné dans un univers musical riche et varié. Mes sœurs écoutaient de la pop anglaise. Il y avait aussi de la musique traditionnelle. J’aime tous les styles et beaucoup d’auteurs. Je ne veux pas être enfermé mais ouvert à tout ce qui se passe autour de moi. Il faut savoir dépasser l’horizon. Cela a été ancré en moi très tôt et le reste encore aujourd’hui. Petit, j’étais à l’école de cirque de mon quartier. J’ai aimé le côté fantaisie et burlesque. À 4-6 ans, ces grands artistes comme Chaplin, Lloyd ou Keaton me faisaient rêver et me fascinaient. Je me suis nourri de tout cela. Je sais que nous n’inventons rien mais nous portons un regard nouveau sur les choses.

Dans ce spectacle, vous avez souhaité « rêver le monde ». Comment ?

Je l’ai imaginé à ma façon. Il est important d’avoir cette étincelle, de préserver cette part d’enfance. Il ne faut pas grandir trop vite. Je veux rester connecté à cette part d’enfance, garder cet émerveillement. Chaque seconde est chargée de ce que nous avons vécu. C’est le socle de notre construction. La poésie en fait partie. Nous ne pouvons pas grandir sans poésie. Nous sommes tous différents parce que nous sommes régis par nos propres émotions. Plus nous avançons dans l’âge, moins nous y sommes sensibles. Je ne suis pas en train de donner des solutions. Mon travail est le fruit de tout cela.

Que représente cette valise que vous posez une nouvelle fois sur scène ?

Elle est comme toutes les autres. C’est la dernière fois que nous la voyons sur scène. Il y a une notion de voyage. C’est la valise des hommes de Folon. Elle est une sorte de passage, entre l’imaginaire et le réel. Il y a non seulement l’idée du voyage mais aussi de l’envol.

Infos pratiques

  • Mardi 21 et mercredi 22 septembre à 20h30 au Rive gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray. Tarifs : de 26 à 8 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 91 94 94 ou sur www.lerivegauche76.fr
  • Mardi 5 octobre à 20 heures à la scène nationale de Dieppe. Tarifs : de 23 à 10 €. Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr
  • Durée : 1h10
  • photo : Mirabel White