/

Lætitia Ajanohun : « J’aime convoquer la mémoire »

photo : DR

Pour écrire Il y a assurément de l’indicible, Lætitia Ajanohun a pioché dans les archives d’un fait divers. Sur la plage de Berk, Fabienne Kabou, jugée en juin 2016, a abandonné sa fille de 15 mois lors de la marée montante. L’autrice et metteuse en scène raconte cette tragédie à travers la perception d’une famille monoparentale composée d’un père et de ses trois enfants de 10 ans, 15 ans et 18 ans. Musique et image traversent cette lecture donnée samedi 18 septembre au théâtre Legendre à Évreux pendant les Journées du Matrimoine. Entretien avec Lætitia Ajanohun, autrice associée au Tangram.

Comment avez-vous imaginé votre rôle en tant qu’artiste associée ?

Cela m’intéresse de m’inscrire dans une maison. Le rôle d’artiste associé dépend toujours de l’endroit où on se trouve. Je n’aurais pas proposé le même projet si j’avais été dans un autre théâtre. Valérie Baran (directrice du Tangram, ndlr) m’a parlé de la ville d’Évreux que je ne connaissais pas, de ses différents endroits, des circulations entre les quartiers et le théâtre. 

Vous travaillez justement dans le quartier de Nétreville.

Une ville, c’est grand. C’est plus intéressant de pouvoir œuvrer dans un quartier. C’est notamment un quartier où les habitants se rendent peu en centre ville. Cela permet de travailler avec eux, avec les associations… Avec Pier Lamandé, nous sommes allés dans les écoles. L’année dernière a été particulière avec le confinement. Nous n’avons pas pu présenter les restitutions comme nous l’avions imaginé. Nous avions enregistré trois podcasts dans les écoles primaires et une dizaine dans le collège. Cette fois, je vais travailler avec des lycéens et des adultes sur une écriture relais. Un groupe commencera une histoire et un autre la poursuivra. Moi aussi, je vais écrire.

Comment procédez-vous pour amener à l’écriture ?

J’arrive avec une impulsion d’histoire, des questions qui vont créer un canevas de départ, des personnages… J’aime convoquer la mémoire, notamment celle des quartiers.

Pourquoi avez-vous choisi les légendes urbaines comme thème pour ces ateliers d’écriture ?

C’est intéressant de partir d’un lieu que je ne connais pas et, pour les habitants, de pouvoir réinventer un imaginaire, son territoire. Cela amène à des questionnements, à une réflexion sur le lieu où l’on vit, puis à une fiction. On construit ensemble une histoire commune et fictionnelle.

Que faut-il retenir d’un fait divers selon vous ?

J’ai écrit Il y a assurément de l’indicible à partir d’un fait divers. Celui-ci permet de regarder la société dans laquelle on vit, de s’interroger sur la morale et nos jugements. Écrire une histoire sur un fait divers permet de ne pas le prendre de manière frontale. Je me suis moins intéressée au crime que cette femme a commis qu’aux questions que son acte a suscitées. Cette mère avait plusieurs casquettes et plusieurs masques. Elle n’avait pas l’image de la femme noire, immigrée que l’on veut imposer. Elle était belle cultivée, savante, intelligente. Elle pouvait être rationnelle, puis déroutante. Certains ont pu dire qu’elle était manipulatrice alors qu’elle est malade. Je me suis demandé comment la société la regardait, comment les journalistes la nommaient. 

Comment avez-vous travaillé à partir des documents que vous avez rassemblés ?

Je n’ai pas voulu être dans le jugement. Je raconte à travers des paroles d’enfants qui n’ont pas de maman. J’ai commencé par construire des personnages et leur histoire, de trouver un lieu, Berk, où le fait divers a eu lieu. J’aime bien procéder de cette manière. Cela me permet de rencontrer mes personnages. Cette fois, j’ai écrit en pensant aux comédiens et musiciens qui vont jouer.

Quelle est la place de la musique ?

La musique est importante dans la langue. Ma langue est rythmique. J’aime faire sonner les mots et les faire dialoguer avec la musique.

Infos pratiques

  • Samedi 18 septembre à 16 heures au Théâtre Legendre à Évreux
  • Durée : 1 heure
  • Lecture gratuite
  • Réservation au 02 32 29 63 32