Les membres de L’Abordage avaient raison

L’histoire de l’Abordage est terminée. Avec la fin de l’association, confirmée par le tribunal de grande instance, c’est un chapitre de l’histoire du rock à Évreux qui se clôt. Une décision qui permet de certifier les comptes décriés par le maire Guy Lefrand.

« C’était une simple formalité ». Thierry Auzoux-Lavallé a passé seulement quelques minutes au tribunal de grande instance d’Évreux vendredi 29 mai. Quelques minutes essentielles pour le président de L’Abordage et les membres de l’association ébroïcienne qui assurait une programmation exigeante à la MJC et au festival du Rock dans tous ses états. L’audience a certes mis un point final à l’histoire de L’Abordage mais surtout confirmé les chiffres inscrits sur les comptes de l’association et si souvent infirmés par la Ville.

Donc, non, il ne fallait pas 1 million d’euros pour sauver L’Abordage et produire l’édition 2017 du Rock dans tous ses états, comme l’a répété Guy Lefrand. Entre le maire d’Évreux et l’association, les relations ont été électriques. Tout a très mal commencé puisque le futur élu a mené campagne lors des élections municipales en 2014 contre la future scène de musiques actuelles en construction. Avant de s’y résoudre.

En déshabiller l’un pour habiller l’autre

L’année suivante, la municipalité décide de ne pas verser l’intégralité de sa subvention et crée un trou de 30 000 €. Le festival est « redimensionné parce que nous n’avons aucune garantie financière. Nous supprimons une scène. Ce qui n’a pas plu au maire qui ne voulait pas soutenir un demi-festival. Pour l’édition 2016, nous avons une pression pour installer à nouveau une troisième scène et proposer une programmation plus grand public. Ce qui coûtera plus cher. Après un tour de table, les partenaires étaient prêts à combler le déficit, même à le lisser sur plusieurs années », se souvient Thierry Auzoux-Lavallé. Ce qui ne sera jamais effectué. 

L’association est alors en cessation de paiement, puis mise en liquidation judiciaire. Entre temps, une partie de l’équipe est intégrée au Tangram. Commence alors une bataille de chiffres. « Nous n’avons jamais rien caché, détourné ou effectué de fautes de gestion », martèle Thierry Auzoux-Lavallé. Guy Lefrand, lui, avance la somme d’1 million d’euros pour organiser l’édition 2017 du Rock dans tous ses états et se sert de cet argument pour soutenir une autre structure organisatrice d’un autre festival, Rock in Évreux, à qui il apporte un soutien financier plus important (328 000 €, soit 128 000 € de plus) tout comme les autres collectivités locales.

Un état d’esprit

Trois ans plus tard, le tribunal pose les vrais chiffres et valide ceux inscrits par l’association. « L’ensemble des dettes s’élève à 340 000 euros. Le liquidateur rappelle les 120 000 euros de dettes générées par l’édition 2008 (portée par l’association seule, désolidarisée de la MJC) et le coût de l’édition du festival en 2016, prévue déficitaire en accord avec les partenaires. Sans compter que la cessation d’activité a entraîné des manques à gagner estimés à 100 000 euros ».

L’Abordage, c’est fini et reste aujourd’hui « un énorme sentiment de gâchis, confie l’ancien président de l’association. Il y a une histoire du Rock dans tous ses états. Il ne faut pas oublier qu’il y a eu 33 éditions. À côté du festival, il y a la MJC, L’Abordage. C’est du savoir-faire qui s’est transmis. C’est surtout un gâchis humain. Le festival porté aussi par 450 bénévoles est une aventure humaine. À chaque édition, on se retrouvait à l’hippodrome comme on retrouve ses copains chaque été au camping ». 

Il reste surtout les souvenirs, un état d’esprit, solidaire et généreux, une volonté d’indépendance qui a permis d’inscrire dans le paysage des musiques actuelles un festival, original, festif, et une salle pleine de découvertes. « Nous avons fait tout cela avec notre cœur et nos tripes et nous ne nous sommes jamais compromis ».