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Les salles de cinéma rouvrent dans un climat d’incertitude

La Région Normandie a annoncé un plan d’urgence pour accompagner la réouverture des salles de cinéma et la relance de la filière du 7e art. Une somme qui n’efface pas les incertitudes et les craintes des professionnels.

« C’est pas pareil… ». Richard Patry aime à le dire et le répéter. Le président de Normandie Images, de la Fédération nationale des cinémas français, à la tête de Noé Cinémas, illustre ses propos avec le tableau de Léonard de Vinci. « On connaît tous Mona Lisa, Tant que l’on ne l’a pas vue au Louvre, on n’a pas vu la Joconde ». Une comparaison pour rappeler que les émotions ressenties devant un écran de cinéma et celui d’un poste de télévision ou d’un ordinateur ne sont pas du tout les mêmes. Pendant le confinement, les plateformes de streaming ont battu des records par la force des choses. Le public va-t-il retrouver le chemin des cinémas à partir de ce lundi 22 juin, date leur réouverture ? Catherine Morin-Desailly, sénatrice, présidente de la commission Culture, conseillère régionale, se veut rassurante. « Nous sommes saturés des écrans. Il y a une joie de se retrouver ».

Les 102 salles de la Normandie sont ainsi restées fermées pendant 100 jours en raison de la. Crise sanitaire. « 100 jours sans images, sans lumières allumées. Chez nous, le télétravail, c’est impossible. Tout le monde était chez soi. Il y a tout d’abord eu une période de sidération avant une période d’adaptation. Nous sommes tout de même ouverts 7 jours sur 7 et 365 jours par an, dans les grandes villes mais aussi les moyennes et les petites villes. Nous y amenons la belle image. Le cinéma est au cœur de la région, de notre territoire et de nos vies », remarque Richard Patry.

« Retrouver vite un équilibre »

Rouvrir une salle de cinéma n’est pas simple. « C’est même long, indique l’exploitant normand. Il faut se réorganiser, retrouver les réflexes. Il faut remobiliser et reformer les équipes pour accueillir rapidement, garantir la convivialité. Il y a un réel enthousiasme. Aujourd’hui, il faut aussi mettre en place des procédures, comme le port du masque ou l’application de gel. Le principe est le même que dans les restaurants. On ne va pas casser les groupes sociaux. L’expérience de cinéma ne va pas être radicalement différente. Il suffit juste de prendre plus de précautions. Et nous savons que c’est capital ».

100 jours sans cinéma, c’est aussi 100 jours sans recette. Selon Richard Patry, « nous allons rouvrir en perdant de l’argent parce que le volume de spectateurs ne sera pas suffisant pour assurer les charges. Il est important de vite retrouver un équilibre ». Avant de l’atteindre, la Région Normandie accompagne la filière du 7e art avec un fonds d’urgence d’environ 500 000 €, présenté par Patrick Gomont, vice-président de La Normandie, en charge de la Culture et du Patrimoine.

Une chaîne cassée

Dans cette enveloppe se retrouvent « un soutien à la réouverture des salles, avec une couverture des coût des mesures sanitaires et une compensation des pertes de recettes », une aide aux sociétés de production, non seulement pour la couverture des coûts subis à cause de l’arrêt des tournages mais aussi pour leur développement, le maintien des subventions aux festivals qui ont dû annuler leur édition 2020 et une aide aux auteurs et autrices. A cela s’ajoute l’augmentation de la somme allouée aux jeunes de 15 à 25 ans avec la Carte Atouts, passant de 16 à 20 €. « C’est une place de cinéma », rappelle Richard Patry qui se réjouit de cette annonce. « C’est un plan équilibré qui abonde tous les dispositifs en place ».

L’arrivée du coronavirus a ainsi cassé toute la chaîne d’une industrie. « Le cercle vertueux qui réunit toutes les composantes de la filière n’existe plus. La réflexion ne peut être que globale même si les sociétés de productions sont au cœur du cercle. Aujourd’hui, les projets sont à l’arrêt. Il n’y a pas eu de repérages pendant trois mois. Les tournages sont annulés ou, au mieux, ajournés. Il va être difficile de travailler à l’étranger. Nous sommes dans l’incertitude des financements sur la durée », commente Laurent Pannier de Mil Sabords et président de Normandie Films. Pour alimenter ce cercle vertueux, Catherine Morin-Desailly, encourage le public à aller au cinéma puisque « chaque billet vendu contribue à alimenter cette chaîne de la création ».

Le fonds d’aide de la Région Normandie constitue une première étape pour relancer la machine. « Il y a beaucoup d’inquiétude. C’est une nouvelle période qui commence ». Après des aides, la profession du cinéma attend un plan de relance et « un contrat d’objectifs et de moyens » à la rentrée.