L’héritage de « Salammbô »

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Salammbô, c’est tout d’abord le titre du roman de Gustave Flaubert, né il y a tout juste deux cents ans. C’est aussi celui de la prochaine exposition qui se tiendra à partir du 23 avril au musée des Beaux-Arts de Rouen. Les vestiges de Carthage en Tunisie se mélangeront aux multiples inspirations des artistes.

Un roman

« Salammbô fait partie de ces livres qui vous laissent sous le choc. C’est un grand texte avec des moments qui subjuguent. J’ai été fasciné par son côté rutilant, confie Sylvain Amic, directeur de la Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie. Il y a une mise en scène incroyable, plein de senteurs. Ça brille. Flaubert transporte dans un univers qui dépasse l’imagination. Il ne faut pas non oublier toute la violence que ce roman contient. Il y a des descriptions de violence de masse, des visions d’horreur qui attendent les Européens. Cela dépasse l’entendement et Flaubert y met des mots ».

Gustave Flaubert (1821-1880) écrit Salammbô, juste après Madame Bovary. Paru en 1862, le roman évoque la révolte des Mercenaires pendant les guerres puniques dans la ville de Carthage en Tunisie et raconte la passion amoureuse entre Salammbô, une belle déesse et fille du maître de la ville, et Mâtho, le chef des rebelles. Flaubert imagine la figure de Salammbô et l’entoure de personnages historiques. Les thèmes abordés comme la puissance des dogmes, les religions, le populisme, la place des femmes ont traversé toutes les époques. Flaubert va d’ailleurs donner une grande place aux femmes, investies de pouvoir et capables de fonder des empires.

Selon Jacques Neefs, professeur émérite à Paris VII et John-Hopkins University de Baltimore, spécialiste de Salammbô, le roman de Flaubert « invente un nouveau type de fantasmagorie et fabrique une culture du visuel. Il est proche des péplums ». Flaubert a fait le voyage en 1858 jusqu’à Carthage pour comprendre la typologie de la ville. « Sur le terrain, rien n’a été reconnu ou à peine. Le seul vestige reste l’aqueduc romain qui amène l’eau à Carthage », rappelle Myriame Morel-Deledalle, co-commissaire et conservateur en chef du patrimoine au Mucem à Marseille. L’auteur rouennais y partage également son désir d’un lien entre l’Occident et l’Orient. « Il touche politiquement et historiquement à cette conception du monde méditerranéen. Il est conscient de la question de l’Orient », souligne Jacques Neefs.

Trois expositions

Salammbô a été un véritable phénomène. Il a en effet produit un univers culturel qui ne cesse de se transmettre et de rebondir. Le roman de Flaubert a influencé des écrivains, des plasticiens, des artistes de la scène et du cinéma pour devenir un objet populaire. À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert, le musée des Beaux-Arts de Rouen, le Mucem à Marseille et le musée national du Bardo à Tunis proposent une exposition itinérante, Salammbô. Fureur ! Passion ! Éléphants !, un titre très prometteur qui doit annoncer un événement spectaculaire.

L’histoire de Flaubert a tellement inspiré que le parcours imaginé rend compte de cette diversité et emmène dans la littérature, l’opéra, le cinéma, la bande dessinée, la peinture, la sculpture, la photographie. André Gelpke donne une image érotisée de l’héroïne lors de son voyage à Hambourg dans le club de strip-tease, Salambo. Philippe Druillet, fondateur de la revue Metal Hurlant, en produit une adaptation en bande dessinée. Yasmine Ben Khelil se réapproprie l’œuvre dans des dessins, des collages et des installations. Philippe Fénelon a transformé le roman en un opéra.

Cette exposition réunira également des vestiges de Carthage. « Flaubert déclenche l’archéologie de la ville. Et le site est incroyable », remarque Sylvain Amic. Parmi les pièces présentées, il y aura « un grand guerrier en terre cuite découvert en 1929 dans un sanctuaire, annonce Myriame Morel-Deledalle. Il est peint avec du rose, du blu, du vermillon. Il a de la dorure. Il est en lien avec les guerres puniques et cette pièce est emblématique. Elle vient d’être restaurée et n’a jamais été présentée. C’est la pépite de l’exposition ».

Infos pratiques

  • Du 23 avril au 19 septembre, tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures à 18 heures, au musée des Beaux-Arts à Rouen
  • Tarifs : 9 €, 6 €, gratuit pour les moins de 26 ans et les bénéficiaires des minimas sociaux
  • Renseignements au 02 35 71 28 40 ou sur www.musees-rouen-normandie.fr
  • photos : Mrs. Algernon Bourke costumée en Salammbô, Tableau vivant à Bleheim Palace, 1897. © Londres, Victoria & Albert Museum et Victor Prouvé, Reliure pour Salammbô, 1893, Nancy, musée de l’Ecole de Nancy.