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Lucie Berelowitsch à DSN : « ce sont des Antigone contemporaines »

photo Maxim Dondyuk
photo Maxim Dondyuk

Dans sa création, jouée mercredi 22 mars à la scène nationale de Dieppe, Lucie Berelowitsch présente une Antigone du XXIe siècle. Une tragédie universelle dans laquelle une jeune femme décide d’aller outre une décision d’un roi tyrannique. La metteure en scène des 3 Sentiers s’est rendue en Ukraine pour monter ce texte. Elle a mêlé les écrits de Sophocle et de Brecht, les langues, le russe et l’ukrainien, les disciplines artistiques avec les comédiens de sa compagnie et les actrices, chanteuses et danseuses des Dakh Daughters, seule troupe indépendante. Dans cet Antigone, la pièce se déroule lors d’un conflit entre la population ukrainienne et le pouvoir proche de la Russie en 2015. Entretien avec Lucie Berelowitsch.

 

Comment avez-vous pensé cette création plurielle ?

Nous avons pensé cette création comme un spectacle global. Nous voulions raconter un univers. Antigone s’est construit moins comme un théâtre de personnage que comme un théâtre de troupe. Il y a tout d’abord une rencontre avec l’équipe ukrainienne. Nous sommes arrivés là-bas après la révolution. Il était facile de faire un parallèle entre le texte et la question du peuple qui prend son avenir en main, descend dans la rue et se positionne face au pouvoir.

 

Les Dakh Daughters ont été très engagées dans la révolution.

Oui, ce sont des Antigone contemporaines.

 

Qu’est-ce qui vous a marqué dans l’histoire d’Antigone ?

J’ai tout d’abord été marquée par l’écriture. Antigone, c ‘est une sorte de feuilleton. Quand l’histoire commence, elle vient d’accompagner son père à la mort. Elle revient et apprend la mort de ses deux frères. Elle défie le roi et dit : mon âme est morte et je ne suis plus qu’au service des morts. Elle n’a pas envie de devenir une femme emblématique. Elle fait ce qui lui semble juste. Elle commet un acte simple. Je ne pense pas que ce soit une femme plus forte que les autres. Elle est au contraire fragile. Seulement, elle ne peut pas ne pas respecter les morts.

 

Comment avez-vous mené ce travail de troupe ?

Les Dakh Daughters sont propriétaires de leur théâtre à Kiev. Elles fonctionnent comme une famille. Et nous, nous sommes venues avec notre famille. Nous avons vécu ensemble pendant un mois et demi. Nous sommes partis des textes de Sophocle et de Brecht. Nous les avons retraduits en russe et en ukrainien. Et elles les ont adaptés dans des dialectes de leur pays.

 

Pourquoi ce chœur de femmes était important pour vous ?

Il tient en effet une place importante. Les Dakh Daughters sont très présentes sur le plateau. Elles ont composé des musiques contemporaines assez tribales.

 

Antigone se déroule entre deux périodes. Vous étiez en Ukraine entre deux conflits. Il y a des similitudes troublantes.

C’était particulier. Sophocle commence avec une guerre qui arrive à sa fin. Quant à Brecht, il accentue cette période de l’entre-deux. Avec lui, la guerre revient la fin. Cela transforme réellement la pièce qui commence sur l’annonce de la victoire de Thèbes et finit sur la guerre qui reprend. Cette pièce est comme une parenthèse. Pendant notre travail, nous vivions dans une société qui refuse un ancien modèle et qui ne parvient pas à trouver un nouveau modèle.

 

  • Mercredi 22 mars à 20 heures à la scène nationale de Dieppe. Tarifs : de 23 à 10 €. Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr