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Manipuler les pensées

photo Nathaniel Baruch
photo Nathaniel Baruch

Il y a magie et… magie. On connaît tous la prestidigitation avec ces numéros classiques : les lapins qui sortent des chapeaux, les colombes qui apparaissent sous un foulard et les pièces qui disparaissent dans les mains. Thierry Collet a pratiqué cette magie pendant de nombreuses années. Il a d’ailleurs excellé. Le magicien, devenu aussi comédien, s’est ensuite interrogé sur sa pratique pour la faire évoluer en intégrant des problématiques contemporaines. Il a manipulé des objets. Il manipulera les pensées. Dans Influences, interprété mardi 8 et mercredi 9 octobre à la Maison de l’Université, Thierry Collet utilise l’art de mentalisme pour non pas endormir notre jugement critique mais le réveiller.

 

Le décor de Influences est constitué d’isoloirs. Avez-vous souhaité donner une dimension politique à ce spectacle ?

Tout à fait. Il y a les isoloirs mais aussi le bureau de vote, un tableau… Des accessoires qui sont issus de la société où l’on vit. Cela place le spectacle dans le réel et montre que la magie peut être utilisée autrement. On peut mentir, dissimuler, donner l’impression, influencer des choix, orienter une décision…

 

Y a-t-il des points communs entre magie et politique ?

L’homme politique n’a pas la capacité de prévoir. En revanche, il a la capacité de faire croire. Comme le magicien. Comme le communicant, le publicitaire, le religieux… On fabrique de la croyance. On fait juste croire que c’est vrai.

 

En intégrant la magie mentale, vous avez souhaité rompre avec la magie traditionnelle ?

Je ne renie en rien le côté ludique de la magie. Je souhaite montrer les deux côtés de la médaille. Il y a le côté brillant, plaisant et le backside. Là, on met les mains dans le cambouis. On ment, on manipule, on maîtrise. Et cela évoque la soumission. Mon personnage n’est pas toujours très sympathique.

 

Avez-vous étudié toutes les théories sur ce sujet ?

Il y a beaucoup de théories là-dessus. J’ai beaucoup lu. La communication, faire croire, donner envie, c’est très scientifique.

 

Comment avez-vous conçu votre spectacle ?

Il y a plusieurs moments avec des références à des autorités morales, au pouvoir du médecin sur ses patients, à celui des politiques, à celui aussi d’un scientifique qui parle du cerveau. J’ai une posture assez antipathique. Je suis en costume-cravate. Je tutoie le public. Il y a un côté infantilisant. Ce spectacle a également une dimension clownesque, humoristique, un peu pince-sans-rire.

 

Quel a été votre cheminement intellectuel ?

Je fais de la magie depuis l’âge de 7 ans. Pendant longtemps, j’ai été attiré par le côté merveilleux, fantastique. Cela m’évoquait un autre monde. Je me suis ensuite demandé ce qu’était l’expérience magique. Il y a des numéros qui ne sont plus très perturbants. J’ai été sollicité pour faire du close-up. C’est une pratique qui touche les gens physiquement. Ils sont fixés à nos yeux. Il y a une autre forme de magie : la magie mentale. C’est moins sympathique parce qu’elle rejoint des croyances sur l’intuition, le rêve prémonitoire. Ce rapport à la croyance devient flou et cela n’a rien à voir avec l’éducation. Je me suis ainsi interrogé sur cet art si ancien, sur cette manière de prendre le pouvoir, d’exercer une autorité, de donner à voir autrement. Je vois bien comment cela se passe quand il y a une guerre dans le monde. C’est toute une machine qui se met en place. Celui qui nomme le réel est celui qui a le pouvoir. Le magicien fait ça.

 

C’est donc un spectacle qui demande beaucoup de concentration.

Enormément. C’est très fatigant et très différent tous les soirs. Mais il y a une dimension jubilatoire.

 

  • Mardi 8 et mercredi 9 octobre à 20 heures à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan
    Tarifs : 13 €, 9 €. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.scenationale.fr

Autres infos : www.thierrycollet.fr

 

QuiVive1.BaruchA noter : 

Thierry Collet présente « Qui-Vive » du 9 au 11 janvier au Cirque-Théâtre à Elbeuf

www.cirquetheatre-elbeuf.com