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Michel Raskine : « Blanche-Neige est une héroïne féministe »

Blanche Neige a croqué la pomme, offerte par la vilaine reine, déguisée en sorcière. La voilà empoisonnée et plongée dans un sommeil éternel. Les 7 nains pleurent leur princesse. Blanche-Neige restera inanimée dans un cercueil de verre jusqu’à ce que le prince charmant lui donne un baiser. C’est la fête dans la forêt. Les nains et les animaux chantent et dansent leur bonheur. Le conte de Grimm se termine par cette phrase habituelle : ils se marièrent et vécurent heureux. Heureux ? Pas tant que cela. Marie Dilasser et Michel Raskine vont bouleverser le tableau aux couleurs pastels. Blanche-Neige et le prince sont bien mariés mais commencent à s’ennuyer dans un royaume qui n’est plus aussi florissant. Les nains sont désormais 101. C’est un tout autre conte, en rouge et noir, qui s’écrit. Blanche-Neige, histoire d’un prince se joue mardi 15 octobre au Rive gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray avec le festival Terres de Paroles. Entretien avec le metteur en scène, Michel Raskine, qui a créé une version poétique et décapante.

Est-ce que le conte est une source d’inspiration inépuisable ?

Oui. Maintenant que j’ai mis le nez là-dedans, je me rends compte que c’est une source inépuisable. On peut y aller et y retourner. Et tout le monde peut s’emparer des contes. Ce sont des matrices spectaculaires, des matières artistiques très ouvertes. Je pense que l’on n’écoute pas, ne relit pas, ne triture pas assez les contes.

Pourquoi avez-vous choisi l’histoire de Blanche-Neige ?

Je ne sais pas trop. C’est venu naturellement. Je n’ai pas fait de casting de contes. Ce fut très instinctif. Comme dans toute création, il y a une part d’instinct et une part de raisonnement. Je pense que Blanche-Neige s’est imposée par la figure colossale du personnage. Elle est dans notre imaginaire. Certainement grâce à ou à cause de Walt Disney. Dans ce spectacle, on s’en démarque. On va même jusqu’à attaquer la figure de Blanche-Neige. On va même remonter aux sources du conte. Cette princesse a vécu beaucoup d’événements. Dans cette vie, la noirceur est phénoménale, sidérante. C’est aussi drôle de prendre une figure iconique et d’en faire un punching-ball. Blanche-Neige est une héroïne féministe. La particularité de ce conte : il raconte une vie, de la naissance jusqu’à l’âge adulte.

Vous modifiez également la figure du prince, joué par une comédienne. Pourquoi ?

C’est le fruit d’une complicité avec Marief (Guittier, comédienne, ndlr). Avec elle, nous avons effectué une série de portraits masculins. Quand les femmes peuvent jouer des hommes, cela ouvre un vaste champ de possibles. Tout comme quand vous décidez que la princesse n’est pas charmante et le prince, non plus. Cela permet d’avoir des personnages de théâtre déglingués, bancals, complexes. Le couple n’est plus un modèle. C’est une démarche dramaturgique et enfantine.

Dans votre conte, les nains sont 101. Comment apparaissent-ils ?

Cela a été un grand débat. Ils apparaissent sous forme de marionnettes. Quel bazar avec eux ! D’autant qu’il y a un nain félon. Cela permet de s’interroger sur la fascination qu’ils peuvent encore exercer aujourd’hui ?

Pourquoi mettre en scène un conte en trois couleurs, le blanc, le rouge et le noir ?

Le blanc pour la neige, le noir pour l’ébène et le rouge pour le sang. Ce sont des couleurs qui vont bien ensemble. Elles sont radicales pour créer des images radicales. Les comédiens sont très maquillés pour devenir étranges. Tout se déroule à vue. Nous montrons toute la machine. Comme si tous les spectateurs étaient dans le palais. Il n’y a plus qu’à s laisser prendre par les surprises du théâtre.

Infos pratiques

  • Mardi 15 octobre à 19h30 au Rive gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray.
  • Spectacle tout public à partir de 8 ans
  • Tarifs : de 18 à 5 €.
  • Réservation au 02 32 91 94 94 ou sur www.lerivegauche76.fr