Miossec : « Il y a une grande part animale dans la chanson »

photo : Richard Dumas

Christophe Miossec a relu Boire, ce premier album, sorti en 1995, qui a tant bousculé et marqué. Une voix rugueuse, une poésie brute et âpre, une mélancolie rageuse : rien n’a été oublié. Comme les premières émotions à la première écoute. Miossec réédite tout l’album pour cet anniversaire, le reprend en concert en ajoutant les titres de Falaises !, un EP composé pendant le confinement avec Mirabelle Gilis. Vendredi 19 novembre, ce sera à la scène nationale de Dieppe et samedi 20 novembre au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly avec le Trianon transatlantique. Entretien.

Vous revenez sur votre premier album, Boire. Est-ce qu’un album est une marque du temps ?

Ce premier album est avant tout une bouteille à la mer. Sans lui, tout le reste n’aurait pas existé. J’étais à deux doigts d’arrêter la musique. J’étais déjà âgé. 30 ans n’est pas un âge raisonnable pour commencer la chanson. Il est vrai qu’un album marque son temps. Je peux le mesurer et aussi voir mon histoire à travers les différents albums.

À quel moment avez-vous pris conscience que cet album avait un réel impact ?

Assez rapidement. De plus en plus de personnes venaient au concert. Puis on ne trouvait plus l’album partout. Il avait été édité chez un petit label. Il a été enregistré sur des K7 que les gens se refilaient. Le fait de ne pas en avoir trop vendu a peut-être été une chance. Je n’ai pas rempli des Zénith. Un succès trop grand aurait peut-être été fatal.

Est-ce que les sensations ressenties au moment de l’écriture étaient encore en vous, comme un danseur qui a une mémoire du corps ?

Oui et c’est peut-être pour cette raison que je n’ai pas jouer Boire pendant très longtemps. Je ne voulais pas être l’homme d’un seul album. Cette mémoire du corps est vraiment incroyable. Plus que la mémoire intellectuelle. C’est dingue comme sensation. On a vraiment qu’une seule enveloppe. Même si elle vieillit. En fait, ce n’est pas quelque chose d’intellectuel. Il y a une grande part animale dans la chanson.

Vous avez été journaliste. Aviez-vous eu une réflexion sur l’écriture ?

L’écriture a été laborieuse. J’ai toujours voulu gagner ma vie avec l’écriture. La chanson est un genre à part. J’avais compris qu’elle allait m’ouvrir des horizons. J’ai alors beaucoup travaillé pour trouver un style. Il y a eu une longue période de solitude. Il m’a fallu trois années pour apprendre à écrire des chansons.

Quelle est la difficulté aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je ne dois pas radoter. La difficulté est là. On raconte plus ou moins la même histoire mais sous des angles différents.

Dans cet album, est-ce que rendre hommage à la ville de Brest était comme un devoir ?

Oui, c’était obligatoire. Brest est une ville importante avec une tradition de chant. Toute ma famille vient de là.

Quel regard portez-vous sur la France en 2021 ?

Je ne pensais pas que cette chanson résonnerait encore aujourd’hui avec le scénario du pire qui s’offre à nous. Le début de la campagne pour les élections présidentielles est effrayante. Nous ne sommes plus dans la même société.

Pourquoi, le deuxième album, Baiser, est arrivé très vite après Boire ?

Il fallait justement tuer Boire. C’était assez bizarre. Même quand j’y repense. C’était complètement inconscient. Nous n’avions pas arrêté de tourner et étions dans un élan.

Avec Mirabelle Gilis, vous venez sortir un EP, Falaises !. Comme Boire, il a été composé lors d’un confinement.

On peut faire ce parallèle. Ce qui est chouette, c’est que cet album n’était pas prévu. Boire a été écrit dans ma chambre de gamin, et Falaises !, à la maison. C’est Mirabelle qui a tout géré. Elle a composé des musiques et m’a demandé de poser des textes dessus.

C’est la première fois que vous travaillez de cette manière ?

Oui, cela change la donne et permet de ne pas regarder seulement son nombril. C’était comme des vacances.

Il y a aussi une douceur que l’on ne vous connaissait pas.

Oui et cela ouvre des portes pour le prochain album.

Infos pratiques

  • Vendredi 19 novembre à 20 heures à la scène nationale de Dieppe. Tarifs : de 23 à 10 €. Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr
  • Samedi 20 novembre à 20 heures au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly. Tarifs : de 32 à 16 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 68 48 91 ou sur www.dullin-voltaire.com
  • photo : Richard Dumas