Nathalie Pernette : « L’eau reste un partenaire de scène à ne pas oublier »

photo : Melune

Au bord de l’eau ou à la surface, même dedans… C’est de cette manière que Nathalie Pernette fait resurgir La Mémoire de l’eau. Cette nouvelle création chorégraphique pour quatre interprètes évoque les bienfaits de l’eau, les peurs qu’elle suscite, les mythes avec ses figures extraordinaires, les rituels. Il y a là beaucoup de poésie, de sensualité, aussi des tempêtes. C’est mardi 11 et mercredi 12 janvier à la piscine de l’île Lacroix à Rouen avec L’Étincelle et l’Atelier 231. Entretien avec Nathalie Pernette qui a été artiste associée au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray.

Est-ce que l’eau est un élément dans lequel vous vous sentez bien ?

Non, pas du tout. Ce spectacle est même né d’une peur, ma peur de l’eau. L’élément déclencheur a été cette curiosité vis-à-vis de cette peur. J’ai voulu comprendre, aller au-delà. J’éprouve une attraction répulsion. J’ai la chance de vivre au bord de la mer en Normandie. Quand je vais me balader la nuit au bord de l’eau, je ressens ce gouffre, cette immensité et ce calme. Est-ce que j’aime mieux l’eau aujourd’hui, après cette création ? Ce n’est pas sûr. C’est cependant un domaine que j’ai bien fouillé.

Comment avez-vous surmonté cette peur pour écrire cette pièce ?

J’ai commencé par faire des essais en piscine, mettre de la distance. J’ai fait plusieurs tentatives, utilisé plusieurs techniques. Je me suis focalisée sur trois natures de l’eau. Il y a tout d’abord l’eau sensuelle. C’est l’eau du bain, chaude comme une caresse. C’est celle des sirènes. La dimension érotique est également très présente. L’eau peut être aussi ludique. On pense à Chantons sous la pluie, aux éclaboussures, aux pichenettes… C’est tout le plaisir enfantin de mettre les deux pieds dans une flaque d’eau. Il y a enfin cette eau avec sa partie sombre, les abysses, les naufrages, les noyades. L’actualité nous le rappelle.

L’eau est très présente dans de nombreux récits. Vous ont-ils inspirée ?

Je ne me suis pas beaucoup inspirée des récits, plutôt des écrits des penseurs comme Bachelard, des ressorts poétiques de l’eau. L’eau est l’élément dont nous restons le plus proche. C’est un des grands mystères : nous passons neuf mois dans l’eau. Je suis allée aussi vers la littérature liée au voyage et au naufrage.

Qui sont les quatre personnages de La Mémoire de l’eau ?

Elles ont plusieurs facettes. Elles peuvent être des femmes de pêcheurs qui attendent le retour de leur mari, des sirènes qui sont dans la séduction, des victimes de la mer, des monstres, des créatures fantastiques.

Pourquoi avez-vous choisi ce titre, La Mémoire de l’eau ?

Quand j’ai travaillé sur ce spectacle, je me suis aperçue de toute la richesse du sujet, de la proximité que nous avons avec l’eau. Cela ramène à la nuit des temps, à notre propre genèse. Il y a cette mémoire qui traverse les siècles et les continents. J’ai eu en tête cette idée du voyage pour explorer notre goût et notre peur.

Comment avez-vous travaillé avec les quatre danseuses ?

Ce travail s’est étalé sur plusieurs années. Il a commencé en 2017. Les premières séances dans l’eau se sont déroulées deux ans plus tard. Nous avons fait plusieurs résidences de recherche. L’eau est un élément contraignant qui est fatigant, demande beaucoup d’énergie et d’endurance. C’est un environnement qu’il faut d’abord adopter. Il faut laisser du temps pour pouvoir aller vers la puissance du jeu et du drame. L’eau reste un partenaire de scène à ne pas oublier. Elle fonctionne comme un reflet.

Est-ce que créer avec et dans l’eau a modifié votre écriture ?

Oui. Le style est là mais la gestuelle s’en ressent. L’eau est tellement puissante.

Infos pratiques

  • Mardi 11 et mercredi 12 janvier à 20 heures à la piscine de l’île Lacroix à Rouen
  • Durée : 1h15
  • Tarifs : de 19,50 à 3 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr
  • photo : Melune