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Nevché au Havre : « Rendre populaire la poésie, c’est une obsession »

Le Journal imaginaire de Lou Reed… Il a été écrit par Nevché. Le slameur marseillais le lira et le chantera lors du festival Le Goût des autres vendredi 19 janvier au Magic Mirrors au Havre. Pour ce concert littéraire donné avec French 79, Nevché, artiste discret à la voix envoûtante connu pour sa poésie urbaine et réaliste, ne revient pas sur la vie ou l’œuvre de Lou Reed. Il a préféré raconter des émotions. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette proposition d’écriture sur Le Journal imaginaire de Lou Reed ?

Je ne l’aurais pas écrit spontanément. Je n’aurais jamais pu imaginer m’attaquer à un tel artiste. Lou Reed est une sorte de poète rockeur des bas fonds de New York, un genre de monument. Donc c’est effrayant. Il a laissé une œuvre magnifique. Il n’y a rien à dire et rien à ajouter. Mais Rozenn Le Bris (directrice artistique du festival Le Goût des autres, ndlr) a une énergie redoutable, une telle façon de présenter les choses qu’il est difficile de dire non. Ce qui me dédouane de plein de choses. Je suis courageux mais je préfère que ce soit les autres qui prennent les initiatives. Je me suis penché sur les textes de Lou Reed et j’ai eu l’idée de ce Journal imaginaire afin de faire apparaître ma relation singulière à la poésie. Nous avons tous notre propre relation à la poésie. Rendre populaire la poésie, c’est une obsession. Ce qui permet également de rendre public le rapport intime que l’on peut avoir avec un personnage aussi imposant que Lou Reed. Cela renvoie ainsi chacun à son rapport à ses héros, ses icônes.

Pour vous, Lou Reed est un monument. Comment avez-vous dépassé vos peurs pour le gravir ?

Quand on a une admiration pour une personne, c’est difficile d’être juste. Quand on est fan, il y a des choses inexplicables, inavouables. Il faut alors prendre de la distance, rendre les choses moins sacrées. Le mieux : créer une ambiance musicale différente. Pour ce Journal imaginaire, je me raconte aussi des histoires. Je mélange cela à des interviews que Lou Reed a données, à des chansons que j’ai traduites et à d’autres chansons que j’ai écrites. De tout cela doit jaillir la poésie, quelque chose d’intime.

Qu’est-ce qui vous a guidé dans l’écriture du Journal ?

L’émotion. Dans une chanson, il doit y avoir de l’émotion, quelle qu’elle soit. Parfois, je me suis laissé guider par moi-même.

Comment avez-vous découvert Lou Reed ?

Comme tout le monde, avec Walk On The Wild Side, un tube énormément diffusé. A l’adolescence, j’ai découvert la musique des années 1960, celle du Velvet Underground. Depuis, j’ai toujours rêvé de faire de la poésie américaine, de mélanger poésie et musique. Ce mélange est une étrangeté, demande une exigence mais offre une liberté. Après je me suis intéressé au travail d’Andy Warhol, de la Factory.

 

 

Après ce travail, que retenez-vous de Lou Reed et de son œuvre ?

Sa poésie est à la fois belle et crue. Sa langue est élégante. Ses écrits sont une sorte de parabole moderne, une métaphore du quotidien parce qu’il parle de la vie, de la mort, du sexe, de philosophie… Tout cela se mélange. J’ai découvert qu’il était d’une prétention absolue. Dans une interview, il n’hésite pas à dire : personne n’écrit comme moi ou je veux écrire à un autre niveau. Quel égo ! Il a quand même amené la poésie dans le monde du rock et il lui a donné son âge adulte. Dans ce Journal, j’aimerais que l’on retrouve l’enfance de Lou Reed parce que les poètes gardent toujours une part d’enfance, un émerveillement, une fraicheur.

Comment avez-vous Simon Henner, French 79 ?

Lorsque j’ai eu cette proposition, je venais de réaliser mon prochain album. Nous avons travaillé pendant six mois. Entre nous, il y a eu une découverte progressive. Cette flamme ne s’est jamais éteinte. Cette collaboration nous a beaucoup nourris. J’ai eu envie de proposer ce travail à Simon.  C’est un garçon très élégant, délicat qui compose une musique très ouverte, très typée, agréable à écouter, surtout fédératrice. Entre nous, ce fut très spontané. Simon trouvait des lignes et, moi, je récitais sur la musique. Nous avons choisi de prendre le contrepied parce que Lou Reed était un personnage sulfureux, ambigu.

Quand sortira votre nouvel album ?

J’ai écrit 13 chansons qui seront à découvrir pendant toute cette année 2018. Il s’appellera Décibel. C’est une traversée de la France pendant la nuit à la lumière des écrans et l’aboutissement de trois ans de travail.