Olivier Dubois : « interprète, c’est le plus beau métier »

Dans Pour sortir au jour, présenté les 1er et 2 décembre à la salle Louis-Jouvet avec L’Étincelle à Rouen, Olivier Dubois interroge la création et l’approche de la danse, se remémore son parcours d’interprète et de chorégraphe, lui qui a été élu l’un des vingt-cinq meilleurs danseurs du monde en 2011. Il est à nouveau seul sur scène dans ce spectacle intime. Seul avec le public dont il fait son complice. Pour sortir au jour, né au Caire, est inspiré du Livre des morts de l’Égypte ancienne qui raconte le voyage quotidien de l’âme afin qu’elle ne meurt pas. La danse, un art si éphémère, voyage également à travers les corps pour exister. Alors Olivier Dubois danse et raconte. Entretien

Est-ce que le solo est une forme particulière pour un danseur ?

Pour un danseur, le solo est une forme à la fois un peu contraignante et libre. Il y a une grande part de responsabilité. Vous portez tout. Il y a aussi une grande liberté parce que vous pouvez ajuster comme vous le souhaitez. Des issues sont toujours possibles. Quand vous êtes seul sur un plateau, tous les yeux se portent sur vous. C’est angoissant et valorisant. Il y a une part d’ego que l’on ne peut nier mais qui est temporisée par la grande responsabilité à porter. J’ai toujours adoré danser sur un plateau. Je suis un soliste. 

Et en tant que chorégraphe ?

Pour le chorégraphe, le solo est un laboratoire qui ouvre chez moi de nouvelles portes de recherche. Cela permet de commencer à faire les premières expérimentations. J’y vais de manière inconsciente. C’est très introspectif. Ce solo porte ce qui va arriver par la suite.

Est-ce risqué de porter un solo ?

Je ne sais pas si c’est risqué. J’ai énormément dansé seul. Quand j’arrive sur le plateau, j’ai ce trac. Il y a toutes sortes de questions qui me traversent. Comment le corps va-t-il être là ? L’endroit du risque est ailleurs parce qu’un solo est toujours très intime. Je dirai davantage qu’il est audacieux, courageux. Même s’il permet une sacrée mise en lumière, vous êtes épié de partout.

Vous avez dit qu’un solo ouvre sur l’avenir. Or, celui-ci est un retour en arrière puisque vous traversez différents spectacles.

Mais ne parle-t-il pas cependant de l’après, d’adieu, de transmission ? Dans Pour sortir au jour, j’essaie de faire surgir des choses intemporelles. Ce solo se situe au soir d’une vie. Tout le monde a connu des succès, des échecs, des folies… C’est l’histoire d’une vie qui porte des questions universelles sur la valeur de l’art, la trace qu’on laisse… Ce spectacle est né après la lecture du Livre des morts de l’Égypte ancienne qui parle du voyage de l’âme. C’est un voyage quotidien de l’âme. La personne meurt quand l’âme ne revient pas. On accède à l’éternel par la transmission. Les souvenirs sont donc le dernier rempart contre la mort.

Dans ce spectacle, vous traversez plusieurs créations. Pourquoi était-ce important ?

Ce n’est pas une obsession chez moi. Mais je suis fait de ce que j’ai chorégraphié et de ce que j’ai pu danser. J’ai la chance d’avoir énormément dansé. Je suis très heureux. Je n’ai pas de remords, pas de regrets. Je n’ai pas envie que tout cela reste au fond d’un tiroir comme un vieux dossier. Je revisite tout cela dans ma tête avec une mémoire un peu embellie. C’est une rencontre intime avec le public, voire une éventration. Je suis revenu à une question d’artisanat. C’est de l’artisanat d’art.

Que reste-t-il en vous de tout ce répertoire ?

Au début, je ne savais pas tout ce qu’il restait techniquement. La mémoire, c’est une boîte de Pandore. Au fil des représentations, les choses se réajustent. La mémoire se réactive. Tout cela reste vivant. Je suis ainsi tout le temps en recherche.

Pour ce faire, il faut la complicité du public ?

C’est essentiel. C’est un moment très intime dans la confession. Nous sommes très souvent en interaction. Je parle beaucoup. Ce spectacle est comme une invitation dans mon salon. Je suis un conteur. Cela enlève tout le côté grandiloquent.

Pourquoi un conteur ?

J’aime bien papoter avec les gens, raconter des histoires. Je parle. Je me moque. Je laisse le public poser des questions. 

Savez-vous quelles portes va ouvrir ce spectacle ?

J’ai envie de plein de choses. Je suis un boulimique, un hyperactif. Je suis content de danser. Cela me garde très en contact. Cela contrebalance avec les œuvres spectaculaires. Je suis un interprète et un chorégraphe accompli. Mais je suis avant tout un interprète, c’est le plus beau métier. Il est comme un traducteur. Il doit s’imposer dans son travail pour qu’il puisse exister. C’est une sorte de perversion. Ou encore, j’ai une feuille blanche et elle doit rester blanche. Or je suis fait de bleu. Je dois rendre ce filtre bleu de manière le plus invisible possible. Mais il est là.

Infos pratiques

  • Mercredi 1er et jeudi 2 décembre à 20 heures à la salle Louis-Jouvet à Rouen
  • Durée : 1h30
  • Spectacle à partir de 16 ans
  • Tarifs : de 16,50 à 3 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr
  • photo : Pierre Gondard