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La parole est au corps

C’est une histoire de renoncement et de rapport à la langue. Pour écrire Le Groupe, la chorégraphe Fanny de Chaillé s’est inspirée de La Lettre de Lord Chandos, un texte écrit en 1902 par Hugo von Hofmannsthal. La pièce, programmée par le CDN de Haute-Normandie, se joue jeudi 9 et vendredi 10 octobre au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly.

 

photo Marc Domage
photo Marc Domage

« Avec le vertige que cela présuppose, on doit dire que les mots ont perdu de leurs valeurs. Nous sommes entourés de discours médiatiques et politiques qui n’ont plus de sens. On parle avec des poncifs, des expressions toutes faites, comme des machines. On perd alors le rapport à la langue qui est précieux. Il faut utiliser les bons mots pour les choses ». Fanny de Chaillé s’est ainsi interrogé sur le rapport que l’homme entretient avec sa langue. « Nous sommes différents parce que nous parlons ».

 

Pour aborder ce sujet, la chorégraphe et metteure en scène s’est appuyé sur La Lettre de Lord Chandos de Hugo von Hofmannsthal, un texte qu’elle a lu très jeune et beaucoup apprécié. « C’est une lettre en forme de confession dans laquelle l’auteur renonce à écrire parce que les mots n’ont plus de valeur ». Hugo von Hofmannsthal, surnommé le Rimbaud viennois, délaisse en effet l’écriture poétique pour le théâtre, renonce à une forme de contemplation pour préférer l’action.

 

Fanny de Chaillé a lu et relu plusieurs fois La Lettre de Lord Chandos. « Elle est très complexe parce que l’écriture est un peu ampoulée. Je me suis demandé souvent si j’allais réussir à en faire quelque chose ». Cette chose, c’est Le Groupe. Fanny de Chaillé, artiste inventive, confie le texte de Hugo von Hofmannsthal à deux comédiens et deux danseurs. Les quatre artistes portent La Lettre chacun leur tour. « C’est un système de relais. Chacun peut prendre la place du personnage principal parce que nous ne sommes pas différents les uns des autres. Un homme, ou une femme, reste un homme, ou une femme ». Elle partage la parole d’un solitaire, comme pour tenter de cicatriser les blessures causées par cette solitude, passe ainsi du je au nous. Sans pour autant gommer les individualités. Or, dans un groupe, il y a des compromis. Fanny de Chaillé interroge ces renoncements nécessaires au profit d’une communauté. « Un renoncement, ce n’est pas forcément grave. Avec les autres, on peut faire de belles choses ».

 

  • Jeudi 9 et vendredi 10 octobre à 20 heures au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly. Tarifs : 14 €, 9 €. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.cdn-hautenormandie.fr