Philippe Delerm à l’Armitière : « Dans la vie, je suis un peu moqueur »

Le lecteur se surprendra à répéter : « Ah, oui, c’est vrai ! »… Car ces expressions, on les connaît et surtout, on les use jusqu’à la corde dans nos relations quotidiennes. Philippe Delerm en souligne la perfidie ordinaire. C’est d’ailleurs le sous-titre du livre. Car sous la banalité de la phrase toute faite, il y a la partie immergée de l’iceberg : ce qu’elle traduit de celui ou celle qui la prononce. Il y a ceux qui disent avoir été « renvoyé de partout », ceux qui assurent « je le lis chez ma coiffeuse » parlant d’une revue people mais aussi ceux qui disent « ce n’est pas pour nous » ou « ça r’pousse pas »… Ils se retrouveront et reconnaîtront leurs congénères. Et surtout, ils seront beaucoup plus attentifs à leur manière de dire les choses. A moins que le naturel ne reprenne le dessus. A lire assurément. Dans Et vous avez eu beau temps ? (Seuil), Philippe Delerm se penche sur ces phrases toutes faites qui émaillent nos conversations. Avec gourmandise. Mais pas toujours avec tendresse… L’auteur est à Rouen à L’Armitière mardi 16 janvier. Entretien.

Vous prenez beaucoup de recul avec ces phrases du quotidien mais vous les utilisez bien vous-même, non ?

Je suis même le premier à les dire. Pas toutes, quand même. Mais cela ne m’ennuie pas de les prononcer. Elles sont bien utiles, en fait. Il y en a certaines qui m’agacent cependant ; comme « moi, je ne sais pas faire »… D’ailleurs, au début du projet, je pensais faire un recueil d’expressions un peu tendres et un autre avec un ton plus ironique. Mais finalement, il valait bien mieux ne faire qu’un livre. Après tout, c’est la vie qui est comme cela…

Comment les avez-vous choisies, ces expressions ?

J’ai gardé celles qui traversaient le temps ; y compris les plus récentes qui sont déjà bien tenaces, comme « j’dis ça, j’dis rien ». Ou « c’est juste insupportable », « c’est juste trop bon », « c’est juste excellent »… Vincent [Delerm, ndlr] m’en a suggéré une que j’aime bien : « Là, il sait qu’on parle de lui » quand on désigne un chien… Pour moi, ces phrases montrent combien il est confortable d’être dans le prêt-à-penser…

Mais pour un écrivain, quel est l’intérêt ?

C’est agréable à écrire. Et puis, je crois qu’avec Et Vous avez eu beau temps ? je suis sur un territoire littéraire qui est bien à moi. Je fais un peu mon La Bruyère mais je crois qu’on retrouve cette musique-là.

C’est vrai que vous n’êtes pas toujours très tendre au fil des pages. Vous n’avez pas peur que votre image de chantre des bonheurs simples « en prenne un coup » ?

Dans la vie, je suis un peu moqueur en réalité. Je crois que j’ai une nature un peu mauvaise… (rires). J’ai peut-être le caractère un peu plus aigu qu’avant. Quand je suis sur un trottoir avec mes petits-enfants, je suis le premier à râler sur les vélos qui sont devenus réellement dangereux. L’envie de donner des coups de gueule, oui… Mais je crois que je suis resté un enfant.

Propos recueillis par Hervé Debruyne

 

  • Rencontre mardi 16 janvier à 18 heures à l’Armitière à Rouen. Entrée libre.