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Pierre Rigal : « reproduire le même geste, c’est compliqué, voire impossible »

photo Pierre Grosbois
photo Pierre Grosbois

Pierre Rigal est un artiste nomade. Il va d’une discipline à une autre, les marie dans des créations poétiques, tragiques ou drôles. Ancien athlète, installé à Toulouse avec sa compagnie Dernière Minute, le chorégraphe joue avec tous les codes artistes. La danse, le théâtre, la musique, le chant s’entremêlent dans Même, joué par 9 interprètes les 7 et 8 mars à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan avec le CDN de Normandie Rouen. Pierre Rigal évoque la thématique de l’évidence et de l’identité à travers des boucles musicales, théâtrales ou chorégraphiques. Gagnez vos places pour la représentation du 7 mars en écrivant à relikto.contact@gmail.com

 

Même est un titre à la fois banal et énigmatique. Pourquoi ce choix ?

C’est en effet un mot banal et mystérieux, un mot qui m’intéresse parce qu’il est paradoxal. D’un point de vue de ma philosophie, même signifie une chose et aussi son contraire. La même chose, c’est la même chose. Le clone d’un humain, c’est le même humain mais c’est une autre personne. Même devient un terme utopique. C’est là où il y a un mystère. Le même signifie alors le double, l’alter et go, la répétition, le mimétisme.

 

Quelle lecture faites-vous ?

Au départ de ce projet, il y a un travail sur le mythe d’Œdipe, un personnage qui ne peut échapper à son destin. Il a tué son père et s’est marié avec sa mère. Il se trompe de vie et va faire l’expérience de la folie extrême, une non-appréhension de la réalité. Il est difficile de définir une réalité, une situation. Nous sommes tous dans des réalités différentes. Intervient alors une question psychanalytique. La folie, la névrose, la répétition d’un comportement sont-elles conscientes ou inconscientes ? Cela m’a amené à réfléchir sur la notion de comportement, d’identité, puis sur celle de boucle en terme de musique, de danse, de théâtre. Après, j’ai abandonné le travail sur Œdipe pour garder celui sur la boucle de gestes, de sons, de mots… D’où le titre, Même.

 

 

 

 

Cette notion de répétition concerne tous les artistes, notamment les danseurs qui effectuent les mêmes gestes.

C’est en effet toute la difficulté pour un danseur. Il doit répéter un mouvement de danse tout le temps, essayer de reproduire le même geste. C’est compliqué, voire impossible. Nous sommes dans ce problème pour les danseurs et les acteurs qui doivent s’accorder. Dans la pièce, tout cela va dégénérer.

 

Jusqu’où peut mener la répétition ?

Jusqu’à la folie. Sur le plateau, il y a de la folie, de l’étrange.

 

A quel moment peut-il y avoir une remise en cause ?

Les névroses qui sont propres à chacun d’entre nous sont des structures confortables pour avancer dans la vie. Mais elles sont paradoxales. Elles tendent à résoudre des angoisses. En réalité, elles sont nocives. On croit en ce confort, en ces évidences pour évacuer les angoisses. Or ce sont des artifices. Il faut casser parfois cette logique pour changer le cours de sa vie. C’est une métaphore de la vie. C’est absurde, burlesque. Le rire est une manière de camoufler tout cela.

 

Comment avez-vous travaillé les différents langages artistiques ?

J’ai travaillé sur les langages, sur les formulations des langages. Il y a aussi un travail sur le geste physique, sur la musique et les sons qui se construisent pendant le spectacle devant le public. Nous évoluons sur un tapis blanc, comme si nous avions à écrire une histoire sur une page blanche. On manipule les boucles et on s’amuse sur les incohérences, les changements d’ordre. Même est une comédie musicale déjantée, expérimentale. Nous sommes dans le plaisir de la comédie.

 

  • Mardi 7 et mercredi 8 mars à 20 heures à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan. Tarifs : 14 €, 9 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
  • Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du mercredi 8 mars.