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« Redécouvrir nos corps »

photo Laurent Philippe
photo Laurent Philippe

Comédienne, réalisatrice, danseuse et chorégraphe, Blanca Li tient tous ses rôles avec brio. Artiste curieuse et audacieuse, elle crée des spectacles empreints d’une poésie décalée, d’une énergie communicative et d’un humour fin. Avec Robot, interprété jeudi 20 et vendredi 21 novembre à la scène nationale de Dieppe dans le cadre d’Automne en Normandie, Blanca Li, élève de l’école new-yorkaise de Martha Graham, scrute la relation entre l’homme et la machine. Elle réunit huit danseurs et six robots NAO dans un même pas et dans une ambiance débridée.

 

Quels sentiments aviez-vous sur les machines avant de travailler avec elles ? Avez-vous été fâchée contre elles ?

Avant de commencer le travail de création, je ressentais surtout de la curiosité pour la variété des machines et des robots qui nous entoure. J’étais impressionnée, amusée, intriguée, tant par nos comportement que par les fonctionnalités de ces robots. L’une des particularités de Robot est que les machines ont un réel rôle à jouer, une partition écrite spécialement pour elles. De fait, elles se sont trouvées dès le départ comme des membres de l’équipe, avec leurs qualités et leurs défauts. La personnification était telle, qu’il m’est arrivé de me fâcher avec certains robots ! Ils n’obéissent pas toujours aussi bien qu’on le croit.

 

Vous êtes-vous sentie très dépendante des machines lors du travail de création ?

Oui, absolument. Elles occupent une place essentielle dans le spectacle : elles chantent, jouent de la musique en direct, elles dansent… Au niveau de la chorégraphie notamment, le travail a été très long et difficile car les robots ont un équilibre assez précaire et tombent sans arrêt ! Cela a considérablement ralenti le rythme de la création. Je m’attendais à des difficultés, car la contrainte était inédite, mais je n’en imaginais pas l’ampleur.

 

Est-ce qu’un robot peut reproduire tous les gestes humains ?

Non, un robot a des articulations beaucoup moins souples que les nôtres. Ils manquent d’équilibre car ils n’ont pas la possibilité de réaliser des micro ajustements de leur posture pour rester droits, comme nous le faisons naturellement. Les robots sont encore loin de pouvoir reproduire tous les gestes humains, mais la recherche fait des progrès incroyables qui peuvent nous laisser imaginer qu’un jour ce pourrait être possible.

 

 

Qu’avez-vous découvert sur le corps humain en travaillant avec les robots ?

Nous avons réalisé dès le début de la création un long travail d’exploration du corps, des articulations. Le spectacle s’ouvre d’ailleurs sur la découverte du corps en mouvement. Redécouvrir nos corps alors que nous découvrions ceux des robots était très intéressant !

 

Les robots n’expriment ni joie, ni émotion, ni humour. Comment avez-vous travaillé cet aspect ?

Les robots sont inertes, certes, mais ils sont très inspirants ! La forme humanoïde des NAO renforce encore la possibilité de projeter des personnages sur eux. Les mettre en scène était vraiment un travail très amusant ! Un robot est programmable à loisir en fonction de nos besoins. Par la programmation, nous avons voulu rendre ces robots émouvants, en faire des danseurs interprètes.

 

Est-ce que danser avec des robots représente une lourde contrainte pour les interprètes ?

Oui, car un robot ne communique pas avec le danseur, il ne s’adapte pas, se contente d’exécuter son programme. Les danseurs ont appris petit à petit à composer avec les robots, mais travailler avec eux ne s’est pas fait sans difficulté. Pendant le spectacle, les danseurs doivent toujours garder un œil sur eux, s’en occuper. Plein de choses inattendues se produisent régulièrement sur scène, et les danseurs doivent s’adapter, trouver des solutions rapidement. Les techniciens ne sont jamais loin et peuvent aussi intervenir à tout moment. Quoi qu’il arrive, the show must go on !

 

  • Jeudi 20 et vendredi 21 novembre à 20 heures à la scène nationale de Dieppe. Spectacle complet.