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« Refaire les découvertes »

photo Alain Rico
photo Alain Rico

Avec Halory Goerger et Antoine Defoort, une scène d’un théâtre devient un terrain de jeu, de bricolage où tout est possible. Plasticiens, ils piochent dans les codes du théâtre pour recréer une civilisation. Germinal, présenté les 25 et 26 novembre à Juliobona à Lillebonne dans le cadre d’Automne en Normandie, raconte la naissance d’une société où quatre êtres humains, complètement loufoques, explorent leur univers, non sans difficultés. Une société immerge en même temps que se fabrique un théâtre. Entretien avec Halory Goerger.

 

Raconter l’histoire d’une humanité, est-ce un pari ?

On constate qu’avec l’Ancien Testament, dans lequel il y a une tentative — la Genèse — on a plus ou moins établi que c’était assez pénible à lire. Donc on a plutôt pris le parti de raconter l’histoire d’un autre univers en somme, en espérant que ce serait instructif quant à l’histoire du nôtre.

 

Quelles difficultés avez-vous rencontré pour écrire ce spectacle ?

La première et principale difficulté c’est qu’on était deux. Ecrire à quatre mains reste complexe. La seconde c’est que parmi les contraintes qu’on se pose pour écrire il y en a une fondamentale : on veut que ça nous plaise en tant que spectateurs. Or, nous sommes très exigeants à ce niveau. Enfin, il a fallu bâtir un univers cohérent tout en lui donnant des fondations assez farfelues, et ça c’était particulièrement difficile.

 

Pourquoi le langage est-il la première invention ?

On aimait cette idée qu’absolument tout soit à refaire dans ce spectacle. Réinventer le langage nous a paru être un moment potentiellement intéressant à porter au plateau. Notez bien que dans le déroulé du spectacle ce n’est pas la première invention ou découverte. On oscille entre les deux mouvements en permanence. La première, c’est la lumière, qui amène à celle de la pensée, puis à celle du langage. Dans cet univers qui obéit à des lois essentiellement théatrâles, cela ne nous a pas paru aberrant. Après, comme dans toute forme d’expression artistique, la place dans le temps ou l’espace d’un élément répond à des contraintes parfois peu artistiques.

 

 

Est-ce que ce langage vous permet de raconter l’histoire du théâtre ?

A certains égards, écrire Germinal a signifié refaire toutes les découvertes de nos prédécesseurs. On s’est mis, sans grande difficulté, dans une posture d’analphabètes du théâtre pour mieux en comprendre les fondements. La pièce raconte donc aussi cela, par dérivation.

 

Pourquoi vous appuyez-vous sur les sciences et technologies ?

Je n’apprends rien à personne en signalant que le théâtre est, a été, sera, espérons-le, un lieu de recherche, d’innovation et de détournement technologique. Cela fait bientôt 50 ans que les nine evenings ont consacré le phénomène comme objet d’investigation en soi. Je pense que, maintenant, on peut s’autoriser à aller de l’avant.

 

Lors du spectacle, vous creusez dans un plateau nu. Est-ce que la construction d’un monde se déroule à la suite d’accidents ?

Vaste question mais croire qu’il n’y a que de l’indétermination dans le processus, c’est un peu triste. A l’intérieur de ce chaos il y aussi l’expression d’une somme de volontés individuelles, aussi dérisoires qu’elles soient. Et naturellement c’est parfois à travers l’échec, l’accident, que la découverte se fait. Comme Fleming et la pénicilline. Quand Ondine creuse le sol, ce qui est en jeu c’est sa volonté brute de comprendre ce qui se passe en-dessous.

 

Vous êtes entre jeu et présence. Comment avez-vous travaillé l’interprétation ?

On ne sait pas faire autrement alors on a travaillé comme d’habitude, à vrai dire. On cherche une zone de confort qui ne soit pas trop dans le jeu, mais on a aussi besoin de dire un texte, aussi relâché et oral soit-il. Mais avec la reprise de rôle — il existe maintenant deux distributions qui nous permettent de nous consacrer à nos autres projets —, on a tous les deux pu commencer ce travail, dans lequel on est assez novices, et ce de manière plus traditionnelle.

 

Vous ne venez pas du théâtre. Pour Germinal, vous avez opté pour le théâtre. Pourquoi ?

Parce que c’était un dispositif dont les lois nous étonnaient, et que pour tenter de les comprendre, on a dû les appliquer.

 

  • Mardi 25 et mercredi 26 novembre à 20h30 à Juliobona à Lillebonne. Tarifs : de 21 à 10 €. Réservation au 02 35 38 51 88 ou sur www.juliobona.fr