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Régis Jauffret : « il est impossible d’arriver à la perfection »

photo : Bénédicte Roscot

Deux auteurs seront présents au lancement du festival Terres de Paroles pour évoquer La Part du vrai. Ce sera vendredi 1er octobre à l’historial Jeanne d’Arc à Rouen. Marc Graciano qui signe Le Camp des loges questionne la création. Régis Jauffret aborde autrement ce sujet, notamment l’écriture dans un roman biographique savoureux, Le Dernier Bain de Gustave Flaubert. Il revient sur les moments de la vie de l’écrivain rouennais, invente des souvenirs, donne sa revanche à Emma Bovary. Entretien avec Régis Jauffret.

Est-ce osé de se mettre dans la peau de Gustave Flaubert ?

Je ne me suis pas posé la question. C’est venu naturellement. Au départ, je voulais écrire une biographie de Flaubert. Mais il y en a tellement. De plus, elles disent toutes la même chose et il n’y a guère la possibilité de recherche. Je ne savais donc pas ce que je pouvais apporter. Cette idée m’a entrainé vers le roman parce que je suis romancier.

Il reste encore beaucoup de mystères sur Flaubert.

Oui, il reste quelques mystères. Notamment sur sa relation avec Élisa Schlesinger, Alfred Le Poittevin, Maxime Du Camp. Des éléments peuvent être interprétés différemment. Il y a aussi beaucoup de poncifs sur Flaubert. Cette phrase, « Madame Bovary, c’est moi », il ne l’aurait en fait pas prononcée. Il reste son amour pour Louise Colet avec qui il a entretenu une correspondance. C’est la partie la plus belle. C’est peut-être là qu’il y a encore des découvertes à faire.

De Flaubert, on parle beaucoup du style, un sujet qui vous anime. Comment le définiriez-vous ?

Flaubert est un grand écrivain comme il y en a d’autres. C’est un grand écrivain pour plusieurs raisons. La chose la plus importante à retenir, c’est sa façon de traiter la prose comme de la poésie. Il a recherché une perfection dans la phrase. On peut le lire au tout début de sa Correspondance avec Louise Colet. C’est juste avant Madame Bovary. Ce sont en fait des années de formation pour lui. Il se pose beaucoup de questions sur l’écriture, l’approche des personnages… Ce sont des sujets qui me sont familiers. Je pense qu’il est impossible d’arriver à la perfection. Elle n’est pas scolaire mais dans la manière de dire le sens des choses. C’est comme la peinture. Il y a les sensations, les sentiments que procure une forme. Et cette forme donne le fond. Le talent est fondamental. Il n’y a pas de talent sans travail. Et Flaubert est un jaillissement de talent.

Avez-vous gueulé votre texte ?

Non, pas du tout. Je n’ai jamais gueulé mes textes. A priori, Flaubert gueulait tout le temps. Je ne suis pas sûr que cela soit efficace. En gueulant, on fait tout passer. Le travail réel se fait en silence. Tout passe mieux avec la voix puisque vous rajoutez un outil.

Pourquoi mêlez-vous passé et présent dans ce roman biographique ?

Ce n’est pas prémédité. Je suis juste allé vers mon naturel. Je passe de l’un à l’autre pour évoquer ce rapport à notre époque qui ne tient plus compte de l’anachronie. À l’aune d’aujourd’hui, tout le monde est condamnable.

Est-ce pour cette raison que vous faites dire à Flaubert qu’il ne faut se soucier d’une morale ?

Les morales se contredisent avec le temps. Caroline, sa nièce, n’a pas fait un mariage d’amour. Flaubert et sa grand-mère lui ont imposé un homme à 17 ans alors qu’elle en aimait un autre. Cela n’a choqué personne à l’époque. Aujourd’hui, c’est un mariage forcé.

Vous donnez la parole à Emma Bovary.

Flaubert la détestait. Elle vient rendre des comptes.

Comment est venue cette idée de chutier ?

J’ai enlevé beaucoup de passages qui figurent dans cette partie. Parce que je les trouve importants. C’est comme un bonus.

Infos pratiques

  • Vendredi 1er octobre à 19 heures à l’historiai Jeanne d’Arc à Rouen
  • Durée : 2h30
  • Tarifs au choix : de 30 à 5 €
  • Réservation au 02 32 10 87 07 ou sur www.terresdeparoles.com
  • photo : Bénédicte Roscot