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Rémy : « Dans la cité, il faut cacher ses sentiments »

photo Fifou
photo Fifou

Rémy a 21 ans. Il vit à Aubervilliers. La vie dans la cité, ça marque un garçon. Rémy commence à écrire à l’âge de 10 ans. Jusqu’en terminale au lycée, il partage son temps entre les cours, les devoirs, la rue et… l’écriture. Le rap fait partie de sa vie. Rémy, petit protégé de Mac Tyer, lâche les études pour se lancer dans une carrière de rappeur. Pour lui, il n’y a pas d’autres alternatives. Il raconte la rue, les oubliés, les discriminations, les copains, les drames, sa mère… L’écriture est directe et incisive. Le flow, rapide et précis. Il revendique un rap conscient. C’est Rémy, le premier album, est sorti en mars 2018. Le rappeur est en concert vendredi 5 octobre au Kubb à Évreux. Entretien avec un garçon affable.

Vous avec grandi en écoutant du rap. À quel moment avez-vous commencé à écrire ?

J’avais 10 ans mais je ne me souviens plus très bien. Je ne me suis pas dit : prends un stylo et écris. C’est venu naturellement. Je ne sais même plus ce que j’avais écrit.

Était-ce un besoin ?

Je ne sais pas pourquoi, un jour, j’ai commencé à écrire. Cela reste encore, pour moi, un vrai mystère. Ce dont je me souviens très bien : à partir de ce moment-là, je ne me suis jamais arrêté. Je suis quelqu’un qui écrit très lentement et je dois être concentré. Parfois ça sort, parfois, ça ne sort pas. Alors je laisse du temps. Je suis un perfectionniste. Je ne laisse pas une phrase qui ne me plait pas dans un titre.

Est-ce qu’il y a une volonté de transmettre des messages ?

Oui, c’est très important. À quoi ça sert de rapper si c’est pour ne rien dire. Je sais que l’on m’écoute. Si les textes sont vides, les gens se détourneront de moi du jour au lendemain. Je parle de ce que j’ai vécu, vu. Je raconte la rue.

 

 

Vous dites ; la rue, je l’aime autant que je la déteste.

Dans la rue, on peut vivre de très bons moments. On rigole. Mais on peut faire un pas de côté et enchaîner les problèmes. C’est comme ça partout.

C’est l’école de la vie ?

C’est surtout l’école des valeurs. L’éducation, c’est la famille. L’école de la vie, c’est chacun qui donne une orientation, qui décide. Si je n’avais pas eu le rap, je ne sais pas ce que je ferais aujourd’hui.

Auriez-vous pu basculer du mauvais côté de la rue ?

J’aurais pu. À une période, j’ai fait le con. J’étais dehors la nuit mais je n’ai jamais été un voyou. J’ai fait des conneries d’ado et de jeune adulte. À 19 ans, j’ai eu une petite voix qui m’a dit : tu n’as jamais fait de grosses conneries, tu ne vas commencer maintenant. Si tu est bon au fond de toi, tu peux réfléchir avant d’agir et éviter les ennuis. Il faut rester lucide et utiliser son cerveau.

Dans vos textes, vous évoquez régulièrement votre mère. Tient-elle toujours un rôle important ?

Elle est très importante pour moi. Tellement importante que je n’ai jamais fait de grosses conneries. Quand j’étais sur le fil, je pensais à elle, aux gens qui m’aiment. Je ne pouvais pas la décevoir, la faire pleurer.

 

 

Votre entourage vous a-t-il donné beaucoup d’élan ?

Ils m’ont donné de l’énergie. Ce sont mes amis et je les ai choisi. Je peux me reposer sur eux, écouter leurs conseils. Je suis bien entouré.

La cité vous a-t-elle fait grandir plus vite ?

Oui, elle m’a fait grandir plus vite que les autres mais je voudrais pas vivre dans un palais. Je suis sûr que l’on est moins que dans la cité.

Pourquoi dites-vous qu’il n’y a pas de place pour les sentiments dans la cité ?

Dans la cité, il faut cacher ses sentiments. Sinon, on sa fait avoir. Et je me suis fait avoir plusieurs fois. Quand tu dévoiles tes sentiments, on trouve tes failles et on peut abuser de toi. J’ai eu trop de blessures. Alors je porte une armure invisible.

Il faut savoir la fendre de temps en temps.

Oui mais tout dépend du moment et de la personne.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous êtes monté la première fois sur scène ?

Quand on m’a dit la première que j’allais faire un concert, j’ai eu la pression. Là, ce n’était plus la même chose. Aujourd’hui, ça devient du kif.

 

Infos pratiques

  • Vendredi 5 octobre à 20 heures au Kubb à Évreux.
  • Tarifs : de 16 à 5 €. Pour les étudiants :  carte Culture. Réservation au 02 32 29 63 32 ou sur www.letangram.com