Rencontre au Havre : Annie Ernaux à la Galerne

photo Catherine Hélie

C’est le retour d’Annie Ernaux. En Normandie. L’écrivaine qui a passé son enfance à Yvetot vient parler de Mémoire de fille, son nouveau roman mardi 14 juin à La Galerne au Havre.

 

photo Catherine Hélie
photo Catherine Hélie

Annie Ernaux n’écrit pas pour elle. Ou pas que. Depuis Les armoires vides, elle tire de sa propre existence le matériau d’une expérience universelle à partager avec le plus grand nombre. Elle pétrit, tord, rince pour tirer un suc qui nous éloigne bien loin de l’autofiction. Dans Mémoire de fille, elle poursuit son oeuvre jusqu’à centrer son livre sur sa première expérience sexuelle. Un épisode de son existence encore rebelle à l’écrit. Un tournant à la fois difficile et majeur, en cet été 1958.

 

« Même sans photo, je la vois, Annie Duchesne, quand elle débarque à S du train de Rouen en début d’après-midi, le 14 août. Elle porte des lunettes de myope qui lui rapetissent les yeux mais sans lesquelles elle se meut dans le brouillard ». Annie Ernaux revient sur cette colonie de vacances dans l’Orne où elle atterrit comme monitrice, libérée de ses parents et pleine de désir. Elle rencontre un homme qui l’attirera dans son lit avant de la repousser et d’en faire la risée du camp.

 

Une fois encore, l’auteure ne se cache pas. Une fois encore, elle raconte sans complaisance et dissèque tel un chirurgien penché sur la table d’opération. Une écriture sèche et précise. Un exercice qui va puiser dans l’intime, tellement difficile qu’Annie – Ernaux – parlera constamment d’Annie – Duchesne – à la troisième personne. Comme si elle était une autre. « J’ai voulu oublier cette fille. L’oublier vraiment, c’est-à-dire, ne plus avoir envie d’écrire sur elle. » Avant de pouvoir se réconcilier avec elle-même. « C’est la première fois que je retrace cette nuit du 16 au 17 aout 1958, en éprouvant une satisfaction profonde il me semble que je peux m’approcher davantage de la réalité. Qui n‘était ni l’horreur ni la honte. »

 

C’est bien plus qu’une histoire de « première fois », surtout le récit d’une transformation. « Mais cette fille en train de dévorer un gâteau à la crème au bord de l’Orne en pleurant, je la sais fière de ce qu’elle a vécu, tenant pour négligeables les avanies et les insultes. Elle est dans l’orgueil de l’expérience, de la détention d’un savoir nouveau dont elle ne peut mesurer, imaginer ce qu’il produira en elle dans les mois qui viennent. L’avenir d’une acquisition est imprévisible. Elle n’a pas rencontré ses semblables, c’est elle qui n’est plus la même. » Il n’est même pas interdit de penser que sans les événements de Mémoire de fille, il n’y aurait pas eu d’Annie Ernaux…

 

H.D.

 

  • Mardi 14 juin à 18 heures à La Galerne au Havre. Entrée libre.