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Simon Delattre : « Ce roman est un hymne à la solidarité et à la tendresse »

La tournée s’est arrêtée à Lille juste en raison de la crise sanitaire. Rodéo Théâtre la reprend jeudi 1er octobre à la scène nationale de Dieppe. Simon Delattre signe une adaptation de La Vie devant soi, le roman de Romain Gary, prix Goncourt 1975. L’histoire : Momo vit dans la pension de Madame Rosa, ancienne prostituée. Là, il raconte sa vie, ses peurs et ses doutes. Dans cette pièce remplie d’espoir, le metteur en scène réunit comédiens et marionnettes dans un décor où les corps sont en tension. Entretien avec Simon Delattre.

La Vie devant soi est un roman très célèbre et fort. Est-ce que le travail d’adaptation n’a pas été trop vertigineux ?

Oui, j’ai eu les pétoches. Quand j’ai commencé le travail, j’avais conscience de l’enjeu et de l’attachement du livre par le public. C’est un roman que j’ai lu pour la première fois à l’âge de 15 ans. Il a été, pour moi, une porte d’entrée vers la littérature et un vrai choc littéraire. Depuis, il est comme un conseiller, un refuge… Souvent je me suis dit qu’il ferait l’objet d’un super spectacle. Cette idée m’a trotté dans la tête. Avec Yann Richard, nous avons beaucoup discuté. Nous avons lu chapitre par chapitre en nous demandant ce qu’ils racontaient, ce qu’il fallait garder. C’était difficile parce que j’aime tellement ce roman que j’ai au du mal à faire des coupes.

Qui est vraiment Momo ?

Il est l’archétype, la figure du poète dont les mots trébuchent dans sa tête. Par exemple, il ne dit pas les personnes âgées mais les personnes usagées. C’est son regard. Il y a ainsi un aller et retour entre ce qu’il veut dire et ce qu’il dit. Cet écart est très drôle et donne un sens profond aux choses.

Quelle relation a-t-il avec Madame Rosa ?

Ils s’entre-accompagnent. Elle le retient dans l’enfance parce qu’elle a peur qu’il parte. En fait, c’est une famille qui se choisit. Les questions qu’aborde le roman, comme les violences policières, la religion, ont toujours cours. Mais cette dimension ne m’intéresse pas. Ce roman est un hymne à la solidarité et à la tendresse. Ce n’est pas un spectacle politique mais à portée politique.

Dans votre adaptation, Momo n’est pas un enfant. Pourquoi ?

C’est Tigran Mekhitarian qui joue Momo. Dans le roman, Momo a 15 ans. Tigran, non. Il va alors raconter son histoire à l’imparfait. C’est une évocation de son enfance qui fait basculer dans l’incarnation. Sa parole fait renaître toute son histoire.

Dans ce spectacle, la musique et la musicienne tiennent une place singulière.

Elle incarne de manière sonore la prostitution. Elle chante en arable, une langue que je voulais faire entendre, du blues et charrie tout un vécu.

Comment reconstituez-vous ce Belleville des années 1970 ?

Nous sommes dans un seul endroit : l’appartement de Madame Rosa qui est tout petit, tout exigu pour montrer la corpulence de cette femme. Il y a aussi cet escalier qui est la limite entre son habitation et la rue.

Qu’est-ce qui vous a inspiré lors de votre travail sur les marionnettes ?

Ma référence a été le film, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? J’avais envie d’une confrontation entre le réel et le fantasque. Les personnages n’arrivent pas dans les formes auxquelles on les attend. Cela accentue ce questionnement sur qui manipule qui.

Après cette création, quel rapport avez-vous le roman de Romain Gary, La Vie devant soi ?

Pendant le confinement, je relisais une ou deux pages par jour. C’est une œuvre puissante qui j’offre beaucoup. La langue est tellement riche que les comédiens peuvent jouer avec ce qu’ils disent. Le spectacle est très vivant dans son devenir. Il bouge. Il peut être plus ou moins drôle, plus ou moins mélancolique.

Infos pratiques

  • Jeudi 1er octobre à 20 heures à la scène nationale de Dieppe
  • Durée : 1h35
  • Spectacle tout public à partir de 14 ans
  • Tarifs : 15 €, 10 €
  • Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr
  • Photo : Matthieu Edet