Simon Falguières : « la création est un don de soi »

Cette fois, Simon Falguières emmène vers Les Étoiles, le titre de sa nouvelle pièce, écrite pendant l’été 2019 et jouée avec sa compagnie Le K jeudi 9 décembre à la scène nationale de Dieppe. Dans cette fable merveilleuse, Ezra, un jeune poète, doit écrire l’éloge funèbre lors de la cérémonie d’adieu à sa mère. Or, ce jour-là, il a perdu les mots. Alors que l’eau a envahi son village, il va se réfugier dans sa chambre pour les retrouver. Les Étoiles est un drame familial et un conte sur la création artistique. Entretien avec Simon Falguières.

Comme Le Nid de cendres, il y a la volonté de raconter une histoire avec Les Étoiles.

C’est un désir jamais altéré. Je veux continuer ce travail. Cette fable est née après une rencontre avec Wajdi Mouawad (directeur du théâtre national de La Colline à Paris, ndlr) qui était venu voir Le Nid de cendres à Tourcoing. Il m’a proposé de venir créer dans son théâtre. Mon réflexe a été de penser à ma chambre d’enfant. Si Le Nid de cendres est un récit épique, Les Étoiles se déroule dans un endroit d’intimité. Ce spectacle parle beaucoup d’histoires personnelles.

Cette histoire commence à nouveau par une disparition.

La mère disparaît. Pourtant elle va être le personnage principal et apparaître tel un fantôme. Elle accompagne Ezra qui fait partie de ces héros autour desquels tourne la roue d’une pièce. Sans eux, l’histoire ne peut exister. Ezra est une sorte de Treplev et sa mère, Arkadina. Dans Les Étoiles, il y a une référence à La Mouette de Tchekhov, une pièce que j’aime énormément. C’est un chef-d’œuvre sur un auteur, pas reconnu, qui écrit des pièces symboliques. Il y a un rapport à la croyance dans ce métier. Inconsciemment, elle est venue s’inviter.

Il y a également une catastrophe naturelle, une inondation.

C’est une catastrophe symbolique. Ezra se met à pleurer le jour des funérailles et le village est recouvert par un lac. Comme si le ciel avait aussi pleuré sa tristesse. 

Les femmes, notamment la mère, tiennent une place importante dans ce texte.

Zocha, la mère est pleine de vie et de joie, puissante et libre. Sans elle, il n’y a plus de moteur dans cette famille. Après sa disparition, c’est comme si tous les personnages flottaient. 

Pourquoi des marionnettes accompagnent les personnages ? Ezra fabrique des figures. L’Oncle Jean aussi.

La marionnette, c’est l’enfance, la naissance du théâtre. Elle a quelque chose de divin. Cela m’a renvoyé à Bergman qui apparaît à la fin. En fait, chaque pièce a un parfum. Dans Le Nid de cendres, il y avait Shakespeare avec un souffle épique. Les Étoiles évoque la famille, la mort, les fantômes… Là, je pense à Fanny et Alexandre (un film de Bergman, ndlr).

Les Étoiles aborde un autre sujet : la création avec laquelle Ezra a un rapport très personnel.

Pour retrouver ses mots, Ezra effectue un voyage poétique et métaphysique. En le faisant, il s’éloigne de la vie pratique, des joies simples. Vaut-il mieux alors vivre ces petits moments de bonheur ou être seul dans une vie remplie de poésie ?

Est-ce que la création est un sacrifice ?

C’est toute la question. J’espère que non. Mais j’en doute. C’est un travail tellement intense qui prend toute la vie. Être à l’endroit du sacrifice, c’est rendre la création sacrée. À côté de cela, il y a la direction d’une compagnie, le paiement des factures et des salaires. Cette partie-là est très concrète. Cependant, la création est un don de soi.

Erza voyage pour retrouver les mots. Faites-vous de même quand vous écrivez ?

Oui, toute personne qui écrit fait un voyage intérieur. Au bout de plusieurs jours, les personnages viennent dans mon bureau. Je discute avec eux. Parfois, c’est douloureux. À d’autres moments, c’est très joyeux. Ce sont des montagnes russes.

Infos pratiques

  • Jeudi 9 décembre à 20 heures à la scène nationale de Dieppe
  • Durée : 2 heures
  • Spectacle à partir de 14 ans
  • Tarifs : de 23 à 10 €. 
  • Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr
  • photo : Simon Gosselin