Simone Menezes : « Il est essentiel de porter la mémoire et la musique de Villa-Lobos qui s’interrogeait déjà sur la préservation de la nature »

photo : Charbel Chaves

L’Amazonie est liée aujourd’hui à des images de feux et de déforestation. Retour à une vision magique et poétique de ce patrimoine naturel avec Heitor Villa-Lobos (1887-1959) qui a composé en 1958 A Floresta do Amazonas. Cet oratorio en 11 mouvements est interprété samedi 17 octobre au Théâtre des Arts à Rouen par l’orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie et l’Orchestre régional de Normandie, dirigés par la cheffe italo-brésilienne Simone Menezes. Pour ce concert, les notes de Villa-Lobos se mêlent aux photographies monumentales de Sebastião Salgado qui saisit les beautés de la nature. C’est le point de départ du focus Musique et images à l’Opéra de Rouen Normandie. Entretien avec Simone Menezes.

Qu’est-ce qui vous a amené à imaginer un projet musical autour du répertoire de Villa-Lobos ?

C’est un compositeur qui me touche énormément. Il était un homme cosmopolite et je me vois un peu dans cette histoire. Son identité brésilienne s’est colorée d’une influence de la France où il a vécu une grande partie de sa vie. Dans sa musique, on retrouve du Ravel, du Messiaen… Villa-Lobos reste le compositeur le plus important de l’Amérique latine. Pourtant, il n’y a pas un gouvernement capable de mettre en valeur cet héritage. Il est essentiel de porter la mémoire et la musique de Villa-Lobos qui s’interrogeait déjà sur la préservation de la nature. Il avait une vision à long terme. Dans A Floresta do Amazonas, le premier mouvement s’appelle Le Feu dans la forêt

La déforestation en Amazonie vous inquiète beaucoup ?

La question écologique est importante. Notre capacité de percevoir ce sujet est différente. C’est plus facile pour moi d’avoir cette conscience qu’une personne qui a besoin de manger, de s’habiller… L’écologie est une inquiétude des gens aisés. Néanmoins, l’Amazonie est en danger. Il y a eu d’autres moments où elle a été en danger. Aujourd’hui, il faut se demander quel futur nous allons offrir à cet endroit, de quelle façon nous voulons vivre avec.

Quel regard porte Villa-Lobos sur l’Amazonie ?

Villa-Lobos a eu une éducation particulière. Quand il entendait le claquement d’un sabot de cheval ou le chant d’un oiseau, son père lui demandait quelle note correspondait. C’est davantage une ambiance qu’il partage. Villa-Lobos connaissait bien la forêt. Il a rencontré ses habitants, utilisé des chants et des danses des Indigènes. Comme Bartók, il a effectué un travail anthropologique.

Aviez-vous déjà travaillé sur cette partition, A Floresta do Amazonas ?

Oui, je l’a déjà étudiée en tant qu’assistante de chef. C’est un processus intéressant. Je dois tout d’abord me mettre toute la musique dans la tête. Je l’ai apprise au piano. Puis, j’ai écouté différentes versions de l’œuvre qui sont une source d’inspiration. On comprend ce que Villa-Lobos cherche dans cette forêt.

Quelle est la singularité de cette œuvre ?

Elle a été une des dernières que Villa-Lobos a écrite. C’était une commande pour un film. À cette époque de sa vie, il écrivait en toute liberté et la partition n’a pas été retenue dans son intégralité. A Floresta do Amazonas a trois particularités. Elle est très lyrique. Influencée par le fado, elle a des côtés mélancoliques et nostalgiques. Elle a aussi une force rythmique avec quelque chose de primaire. Enfin, son orchestration est très exubérante.

Comment avez-vous travaillé avec le photographe Sebastião Salgado ?

Je lui ai donné les 11 mouvements qu’il a beaucoup écoutés pendant un ou deux mois et nous nous sommes mis d’accord sur une série de photographies. Le but n’a pas été que l’image vienne illustrer la musique. L’image chante avec la musique.

Pourquoi avez-vous souhaité ajouter des images ? Est-ce que la musique de Villa-Lobos ne se suffit pas à elle-même ?

Oui parce que c’est une musique tellement visuelle. J’ai envie de raconter mon histoire et de la partager avec les autres. Ce projet est le fruit d’une rencontre entre des artistes franco-brésiliens et de générations différentes.

Infos pratiques

  • Samedi 17 octobre à 18 heures au Théâtre des Arts à Rouen
  • Durée : 1h40
  • Introduction à l’œuvre une heure avant le concert
  • Tarifs : de 32 à 10 €. Pour les étudiants : carte Culture.
  • Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr
  • photo Charbel Chaves