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Souad Massi à Rouen : « Les livres sont devenus mon refuge »

photo Jean-Baptiste Millot

Un percussionniste, Rabah Khalfa, un guitariste, Medhi Dalil, et une chanteuse à la voix limpide et caressante, Souad Massi : c’est le trio qui se produit jeudi 15 février à la chapelle Corneille à Rouen avec L’Étincelle. Au répertoire de cette artiste, il y a des chansons d’amour mais aussi des titres plus politiques porteurs de valeurs universelles. Souad Massi poursuit cette tournée avec cet album El Matakallimun, consacré à la poésie arabe classique. Entretien.

Un album est en préparation. Chanterez-vous quelques titres lors de ce concert ?

Non parce que je ne suis pas prête. C’est drôle : quand on compose, il faut du temps pour être prêt à partager les nouvelles chansons. Il y a tout d’abord la phase d’écriture. Là, j’ai besoin d’être seule. Plus tard, pendant l’enregistrement, je me retrouve dans un lieu singulier. Comme dans un cocon. Je peux chanter ensuite les nouveaux titres quand je me sens en confiance, que je me suis habituée à eux. Ce n’est pas facile. Dans tous mes albums, je raconte ma vie. Il faut alors que j’accepte de me mettre à nu. Pour cela, il y a une phase de préparation.

Les mots peuvent-ils être difficiles à porter ?

Les mots sont importants. Ils ont leur propre valeur. J’ai toujours été un peu trop introvertie. Je viens d’une famille modeste. On ne partait pas en vacances. Alors je lisais beaucoup. Les livres sont devenus mon refuge. La lecture me faisait tellement de bien. C’était mes vacances à moi. Quand je ne comprenais pas des mots, je les écrivais, je les cherchais dans le dictionnaire. J’ai des beaux souvenirs de cela. C’est pour cette raison que je n’avais jamais envisagé de devenir une chanteuse.

A quel moment avez-vous rencontré la poésie ?

J’ai grandi avec une de mes tantes, une institutrice qui m’a appris de belles choses. Elle m’a fait aimer la lecture, la poésie qui maintenant fait partie de moi. J’ai toujours été très touchée par les engagements et l’audace de certains poètes. Certains en sont morts. J’ai beaucoup de respect pour eux. Je me suis souvent demandé jusqu’à quel point peut-on se mettre en danger. Dans le dernier album, j’ai eu envie de prêter ma voix.

Sont-ils des résistants selon vous ?

Bien sûr, ils sont résistants. Et les poètes peuvent faire tomber une dictature. La liberté d’expression reste un combat au quotidien. On l’a vu avec le Printemps arabe. Mais j’ai eu envie d’autre chose. Cet album m’a aussi permis de montrer une autre face de la culture arabe, notamment sa beauté, sa philosophie. J’ai mis de la lumière sur cette face cachée. Cette face que l’on ignore ou que l’on veut cacher. Parce que l’actualité veut ça… Des textes magnifiques évoquent la beauté de la femme. Ils font peur une société remplie d’interdits. Dénoncer l’oppression dérange aussi.

 

 

Jeudi 15 février à 20 heures à la chapelle Corneille à Rouen. Tarifs : de 23 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr