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« Je suis un bouseux »

photo Augustin Détienne
photo Augustin Détienne

On l’entend à la radio, sur France Inter. On l’a beaucoup vu à la télévision, sur Canal +. Sa revue de presse des « Journaux que personne ne lit » a eu une foule d’adeptes. Il est vrai que Chris Esquerre savait transformer des informations des plus sérieuses en savoureuses annotations. Percutant, inventif, doté d’un humour corrosif, Chris Esquerre qui a passé une partie de son enfance à quelques kilomètres de Rouen, joue jeudi 10 octobre à l’espace Beaumarchais à Maromme et mardi 15 octobre à l’espace culturel de la Pointe de Caux à Gonfreville-l’Orcher.

 

 

 

 

 

 

Quels souvenirs avez-vous de ces années passées à Saint-Pierre-de-Manneville ?

Ce sont tous les souvenirs que l’on peut avoir de la naissance jusqu’en 4e. C’est une grosse tranche de vie. Ce sont mes années à la campagne. Nous vivions entre la forêt et la Seine. C’était une période extraordinaire. Je suis ravi de revenir.

 

Aimez-vous davantage la campagne ?

Je suis un bouseux. J’ai gardé le goût des pieds nus dans l’herbe. Je ne suis pas un citadin mais un campagnard. Je suis parti à Paris pour les besoins de ce métier.

 

Et vous souffrez…

Oui, atrocement… Dites-le que je souffre… Je ne vais pas vivre toute ma vie en ville.

 

Votre spectacle a été créé il y a trois ans. Est-ce que votre personnage a évolué ?

Oui parce que mon jeu a mûri. Par rapport au tout premier spectacle à Avignon, il a beaucoup changé. Pas seulement parce que de nouveaux sketches ont été insérés. Je n’étais jamais monté sur scène. J’étais un autodidacte. Je n’ai jamais pris de cours. Je n’avais fait que des sketches à la télé. Aujourd’hui, j’en suis à plus de 300 représentations. Je peux donc aller plus loin dans la folie du personnage, dans le côté incongru de ses comportements. Le jeu est plus subtil et a plus d’amplitude.

 

Vous prenez aussi plus de plaisir.

Oui. Au début j’ai détesté monter sur scène. C’était un calvaire. J’avais beaucoup de tension, beaucoup de trac. Après cent représentations, j’ai commencé à me faire plaisir. Jouer sur scène reste un exercice bizarre, quelque chose qui n’est pas naturel.

 

N’est-ce pas un coup de folie de monter sur scène sans prendre de cours ?

Je savais que c’était moins important pour le one-man-show parce que l’on s’exprime soi-même. A cette époque-là, j’en avais marre de la télévision. Je faisais des sketches depuis six ou sept ans. Je devais aller plus loin et je trouvais anormal de ne pas m’essayer à cet exercice. Je me suis alors jeté à l’eau.

 

Aujourd’hui plus loin encore, est-ce aller vers le théâtre ou le cinéma ?

Le cinéma, pas sûr. C’est un exercice différent. Je ne suis pas comédien. Etre comédien, c’est incarné un personnage créé par un autre. Moi, je ne sais pas incarner. En fait, je vais aller plus loin à la télé. Je suis en train de travailler pour la télévision sur une nouvelle rubrique qui innove par rapport à ce qui existe aujourd’hui.

 

Vous aimez beaucoup jouer avec les codes, que ce soit sur scène ou à la télévision.

Oui, c’est vrai. A la télévision, les choses sont très formatées. Moi, je ne sais pas faire de blagues. Je suis donc obligé de trouver une autre forme, une autre source de création.

 

En revanche, vous ne semblez pas aimer être installé dans un style.

Non, je me lasse très vite de tout. Ce qui a des inconvénients et des avantages. Cela pousse à aller chercher de nouvelles choses. J’ai arrêté Le Grand Journal sur Canal + parce que j’en avais marre des chroniques. C’est hyper fatigant parce que l’on vit dans une incertitude permanente, on n’est installé nulle part. Cependant, quand on est ouvrier ou cadre, on est en danger en permanence aussi.

 

Pourquoi êtes-vous si peu bavard, si économe en mots ?

Vous trouvez ? Peut-être. Je pense qu’il y a assez de mots pour dire les choses de manière précise. De plus, il y a divers effets possibles avec le silence. Pour cela, je me suis beaucoup inspiré des Deschiens. J’ai davantage travaillé le regard, le ridicule de soi. Or, on n’aime pas le silence à la télé où tout est speedé.

 

Est-ce que la télé vous manque ?

Non parce que je sais que je vais y revenir. Je fais juste une pause. J’aime bien ce rythme. Etre présent tous les deux ans. Cela permet de se régénérer, de renouveler les idées. Un groupe de rock ne sort pas un album tous les six mois. Moi, petit humoriste, j’ai aussi mon rythme de création. Et je revendique le rythme des groupes de rock.

 

Alors à quand le prochain album ?

Eh bien je suis en train de travailler sur le prochain spectacle.

 

Vous qui vous lassez vite de tout, n’est-ce pas pénible de jouer régulièrement un même spectacle ?

Non parce que j’ai trouvé une astuce. Je ne joue pas tous les jours. L’année dernière, je jouais que le dimanche à Paris. En septembre, j’ai joué trois fois par semaine, après, c’est une à deux fois. Tout est alors très différent.

 

Vous êtes un vrai campagnard. Vous avez un autre rapport au temps.

Complètement. Je peux rester assis devant ma fenêtre à regarder dehors pendant un après-midi. Je n’aime pas cette culture du remplissage. Sentir le temps qui passe, c’est aussi ne rien faire. J’alterne des moments de oisiveté et des moments de travail.

 

  • Jeudi 10 octobre à 20h30 à l’espace Beaumarchais à Maromme.
    Tarifs : de 25 à 10 €. Réservation au 02 35 74 05 32.
  • Mardi 15 octobre à 20h30 à l’espace culturel de la Pointe de Caux à Gonfreville-l’Orcher.
    Tarifs : de 16 à 2,25 €. Réservation au 02 35 13 16 54

 

Autres infos sur http://chris.esquerre.free.fr