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Terres de Paroles : rendez-vous avec Tiago Rodrigues

photo Loïc Seron
photo Loïc Seron
photo Loïc Seron

Tiago Rodrigues est une figure importante du renouveau du théâtre portugais. Homme généreux, artiste prolifique, il bouscule les codes, émerveille, crée des moments de grâce, touche au plus profond des êtres. Tiago Rodrigues est auteur, dramaturge, comédien, metteur en scène. Il a fondé sa compagnie Mundo Perfeito en 2003. l est aussi depuis un peu plus d’un an le directeur artistique du théâtre national Dona Maria II à Lisbonne, une des plus prestigieuses institutions du Portugal. Le festival Terres de paroles propose la découverte de trois textes de Tiago Rodrigues, Entre Les Lignes, Tristesse et joie dans la vie des girafes, Antoine et Cléopâtre. Entretien.

 

Avec le temps, comment a évolué votre façon de penser le théâtre ?

J’ai du mal à me souvenir de mes premières pièces. Pour moi, chaque spectacle est un apprentissage sur un sujet, sur une question qui nous préoccupe. Pour travailler Antoine et Cléopâtre, je me suis penché sur Shakespeare. J’ai dû faire des recherches et j’appris pleine de choses que je ne connaissais pas. J’ai appris aussi des choses sur l’amour, sur la politique, sur la relation entre amour et politique. Ce sont des outils artistiques et politiques de la pensée. Quand je crée une pièce, j’articule un vocabulaire artistique, je puise dans ces nouveaux outils que je ne connais pas et que je veux découvrir. Il y a donc toujours une partie de risque dans ce travail. Mais j’accepte cette imperfection. Je pense qu’il est préférable de faire des erreurs et d’être sur ce chemin de la découverte plutôt que de reprendre des ingrédients qui sont familiers.

 

Aujourd’hui, on n’accepte pas les échecs.

Oui, la société nous dit ça, en effet. Le théâtre est un lieu de résistance, un moment de mystères et reste un des seuls endroits où l’erreur est la bienvenue. Parce qu’une pièce n’est jamais finie. Et le public profite de cela, d’une création avec ses imperfections et ses imprévisibilités. Ce risque, il faut donc le mettre au cœur de la recherche. A cela s’ajoute la présence du spectateur qui peut rire, crier…

 

Vos créations sont-elles toujours le fruit de longues recherches ?

Je n’ai pas de méthode. Mais j’ai des principes qui changent aujourd’hui un petit peu. Mon processus de création commence avec cette question : qui sommes-nous ? Si cela était possible, je ne répèterais pas. Ce n’est pas bon de répéter des gestes. Je le fais parce que les comédiens en ont besoin. Aujourd’hui, j’écris de plus en plus mes pièces. Lors de la première répétition, j’arrive avec seulement 5 ou 10 pages écrites et on les lit. J’écris le matin et on lit l’après-midi. C’est un dialogue quotidien, une pensée collective. J’ai ainsi trouvé un bon équilibre : le texte ouvre des portes à la mise en scène. Et inversement. Cette manière de faire me conduit maintenant vers ce genre de travail. Il y a un côté journaliste, historien, sociologue. Ce genre de recherche m’intéresse beaucoup.

 

Est-ce pour cette raison que votre travail s’inscrit davantage dans le réel ?

Je ne veux pas présenter la réalité mais la manipuler. Le théâtre raconte l’histoire du monde tout en la tordant. Il dit ce que les politiciens, les journalistes ne peuvent pas dire. Je transforme la réalité de manière éphémère mais palpable.

 

Le théâtre est-il un acte de résistance ?

Oui même si on peut faire aussi aujourd’hui du théâtre plus commercial, de l’entertainment, vide d’engagement politique et humain. Mais ce théâtre-là, fait pour gagner de l’argent, demande une présence physique et est aussi un geste de résistance dans cette société dominée par les marchés qui nous proposent de consommer ce dont nous avons besoin et ce dont nous n’avons pas besoin. Quand on achète un ticket de métro, on sait à quoi il va nous servir. En revanche, acheter un ticket pour avoir sa place au théâtre est un pari pour l’inconnu. C’est entrer dans un mystère, surtout si on le fait dans un théâtre intéressé par la création. Oui, le théâtre est un acte de résistance mais une résistance joyeuse.

 

C’est aussi pour vous un lieu de transmission.

Cela a toujours été pour moi un lieu de transmission. Il est important d’être ensemble en train d’écouter des personnes qui sont des témoins, quelle que soit l’esthétique la plus avant-gardiste, la plus contemporaine ou la plus traditionnelle. C’est dans la nature du théâtre. Il est un bel outil d’éducation parce que l’on accède à la pensée dans la fête.

 

Vous êtes un artiste nomade. Pourquoi avez-vous accepté la direction d’un théâtre ?

C’est un accident. Je n’avais jamais pensé à cela. Je suis en effet davantage un nomade qui visite les théâtre mais pas un hôte qui accueille des théâtres. Jusqu’à cette nomination, je n’avais même pas de bureau. J’ai toujours travaillé dans des espaces que les autres compagnies, les festivals ou les théâtres m’ont prêtés. Diriger le théâtre national était une belle opportunité. Et c’est la plus grande institution au Portugal. Je suis ignorant de ce travail de direction. Je suis inexpérimenté. Cela fait maintenant un an. C’est une aventure magnifique. Nous travaillons sur une nouvelle proposition théâtrale. Nous programmons les grands textes du répertoire et aussi de nouvelles pièces. Nous tournons beaucoup au Portugal et à l’international. C’est très important parce que nous allons où il n’y a pas de théâtre et que le théâtre portugais n’existe pas à l’international.

 

Mardi 29 mars

  • 19 heures au théâtre du château à Eu : Entre les lignes, lecture de Tónan Quito. Tarifs : de 6 à 4 €.

Mercredi 30 mars

  • 18h30 à la salle Jehan-Ango à Dieppe : Entre les lignes, lecture de Tónan Quito sur la relation entre auteur et comédien. Tarifs : de 6 à 4 €.
  • 19 heures au théâtre du château à Eu : Tristesse et joie dans la vie des girafes, lecture de Clémentine Baert et Christophe Garcia de l’histoire d’une petite fille découvrant la réalité de la crise économique. Tarifs : de 6 à 4 €.

Samedi 23 avril

  • 20h30 à l’espace Philippe-Auguste à Vernon : Antoine et Cléopâtre, d’après Shakespeare, avec Sofia Diaz et Vítor Roriz. Tarifs : de 21 à 13 €.

 

Réservation au 02 32 10 87 07 ou sur http://terresdeparoles.com/fr