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Thomas Jolly : Fantasio, « un espace libre à inventer »

Retour à l’opéra et aussi au Théâtre des Arts à Rouen avec Fantasio. Thomas Jolly reprend du 26 au 30 janvier la pièce d’Offenbach qu’il a créée en février 2017 au théâtre du Châtelet avec l’Opéra comique à Paris. Drôle d’histoire que celle de la partition de Fantasio, écrite en 1872 : elle tout d’abord été recyclée dans Les Contes d’Hoffmann avant de disparaître en partie dans l’incendie de l’Opéra comique en 1887. Tombée dans l’oubli, elle a été retrouvée et restaurée en 2013. Fantasio est un opéra en trois actes inspiré d’une pièce de Musset. Il raconte l’histoire d’un étudiant fauché qui s’octroie la place de bouffon du roi, tout juste disparu, et se mêle des affaires de cœur de la princesse. Thomas Jolly met dans cet opéra tout son univers poétique et coloré. C’est un enchantement permanent. Entretien avec Thomas Jolly.

photo Chloé Le Drezen

Que retenez-vous de ces deux expériences à l’opéra avec Eliogabalo et Fantasio ?

Ce fut de belles expériences qui m’ont permis de grandir encore, de rencontrer d’autres façons de faire. Ces expériences vont changer ma façon de travailler au théâtre. Elle m’ont beaucoup plu mais on cœur est au théâtre. A l’Opéra, la musique reste la matrice de tout.

Pourquoi avez-vous accepté la proposition de l’Opéra comique de mettre en scène Fantasio ?

Fantasio a été la première proposition d’opéra. J’ai accepté parce que Fantasio, c’est Musset et j’avais envie de m’attaquer à cet auteur. De plus, cette pièce n’avait pas été jouée depuis 1872. Cela crée un espace libre à inventer. J’ai donc redécouvert une œuvre et un Offenbach plus intime, plus secret, plus surprenant. On est loin de La Belle Hélène ou d’Orphée aux enfers. J’ai été assez vite convaincu.

Musicalement aussi ?

Musicalement, Offenbach est tellement théâtral. Il retouchait sa partition de répétition en répétition. C’est un support pour jouer. Pour un metteur en scène, c’est un cadeau et cela marche avec mon imaginaire. Dans cette œuvre, il y a de la gourmandise, une certaine brillance et en même temps une âpreté. C’est ce contraste qui m’a intéressé.

Comment avez-vous abordé Fantasio ?

J’ai commencé par des workshops avec les chanteurs. Le public y était invité. Cela a été vertueux parce que ces moments ont permis d’essayer des choses. Les chanteurs se sont rencontrés, m’ont rencontré. Les spectateurs ont eu trois fenêtres ouvertes sur l’œuvre. A l’opéra, les répétitions ne sont pas un temps de recherche mais un temps de vérification des idées. Si l’une de fonctionne pas, on a 24 heures pour en trouver une nouvelle.

Quel imaginaire avez-vous développé ?

Musset a inspiré la dramaturgie. A la première lecture, il nous donne tous les codes du conte avec un prince, une princesse, un roi qui est bon avec sa fille. On peut y trouver tous les clichés. Or, ils sont détournés, déplacés parce que Musset nous emmène à côté. La pièce joue sur des contrastes : le comique et le tragique, la légèreté et la gravité, la farce et le macabre, le rêve et le cauchemar. Là, tout devient plus intéressant. Fantasio est un jeune garçon déprimé, alcoolique, sans toit et mélancolique. A un moment, la princesse est sur le balcon. Elle pourrait interpréter un chant d’amour mais elle sait qu’elle doit faire un mariage de raison. La scénographie traduit cela. Elle est semblable à une machinerie fantasmatique, onirique mais c’est un piège.

Avec Fantasio, on est sur un fil en équilibre ?

Tout le temps. On est sur un fil qu’il faut tendre durant toute la représentation. La princesse n’est pas une vraie princesse comme dans les contes. Elle est plutôt rebelle. Le prince est un pauvre type qui a envie d’être aimé.

Et Fantasio ?

C’est un personnage fascinant. Il ne croit pas en l’amour, en la politique, en l’art. Il va trouver sa place dans la société en devant un bouffon, intégrer le monde de la fantaisie. Il porte le seul costume coloré. Il est dans la légèreté, la spontanéité, l’amusement, le travestissement mais il est monstrueux. Il a pris la place d’un mort. Il détourne les attributs du bouffon ou du diable.

Est-ce que l’on rit pendant la pièce ?

On a un rire franc. Musset écrit des situations comiques, des quiproquos. Fantasio est d’un cynisme qui peut être drôle. La musique reste ronde, gourmande, savoureuse.

Comment la mise en scène a évolué au fil de représentations ?

Elle a évolué. On a inventé de nouvelles choses parce que le cadre change. Comme les interprètes. Il faut s’adapter aux singularités de chacun. Chaque collaboration crée de nouvelles productions. Le spectacle grandit.

  • Vendredi 26 janvier à 20 heures, dimanche 28 janvier à 16 heures, mardi 30 janvier à 20 heures au Théâtre des Arts à Rouen. Tarifs : de 68 à 10 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr
  • Gagnez vos places pour la représentation du 30 janvier en écrivant à relikto.contact@gmail.com