Victor Julien-Laferrière : « Je souhaiterais que le concerto de Schumann offre un moment très romantique »

photo : Jean-Baptiste Millot

Victor Julien-Laferrière retrouve l’orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie. Cette fois-ci, de deux manières différentes et avec un programme très romantique. Le violoncelliste talentueux, lauréat du prestigieux concours Reine Elisabeth, interprète tout d’abord le Concerto pour violoncelle en la mineur de Robert Schumann, une partition technique, et dirige la formation avec La Sérénade n°1 en majeur de Johannes Brahms, une œuvre poétique, encore peu connue. Ce sera jeudi 27 et vendredi 28 mai à la chapelle Corneille à Rouen. Entretien avec Victor Julien-Laferrière.

Le Concert de Schumann est une œuvre que vous connaissez très bien puisque vous l’avez jouée quand vous aviez 14 ans. Y êtes-vous revenu régulièrement depuis cette première fois ?

Oui, j’ai la chance d’y revenir régulièrement. Contrairement à d’autres œuvres pour violoncelle, comme le concert de Haydn, par exemple, ce concerto demande beaucoup de temps pour se l’approprier. C’est une musique très disruptive. Schumann l’écrit à une période où il est atteint par des troubles mentaux. Il fait apparaître plusieurs personnages dans une même tête.

Comment aviez-vous découvert ce concerto ?

En tant que musicien, j’ai toujours trouvé naturel de découvrir de nouvelles œuvres. Dans cette démarche, je n’ai jamais été raisonnable. Et cela n’a pas changé. J’aime me confronter aux œuvres. Avec ce concerto de Schumann, j’y suis allé tout seul, en autodidacte. Objectivement, ce n’était pas raisonnable. D’autant que j’ai monté ce programme en quelques semaines. Mais ce fut très formateur. Par la suite, j’ai pris des cours.

Qu’aviez-vous compris de cette œuvre à cet âge-là ?

De Schumann, je connaissais plusieurs œuvres. Quand on est musicien, on découvre les compositeurs par le répertoire de son instrument. J’avais juste une certaine conscience de l’originalité du concerto qui reste une pièce emblématique de mon parcours.

Avec l’orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, vous abordez la partition de Schumann encore de manière différente.

Oui, j’y reviens différemment puisque ce sera sans chef. Il y a dans cette œuvre une dimension de musique de chambre. Pendant un long moment, il y a une sorte de dialogue entre l’orchestre et le soliste. L’orchestre va même jusqu’à soutenir le soliste, on peut dire, à mains nues. Dans l’interprétation, il faut faire apparaître toutes ces choses. C’est ce que j’essaie d’explorer et de mettre en valeur.

« C’est difficile de s’interrompt soi-même de manière spontanée« 

Comment souhaitez-vous que le public reçoive ce concerto de Schumann ?

Je souhaiterais que le concerto de Schumann offre comme un moment très romantique. Il y a l’idée d’un être seul avec ses pensées, en dialogue avec la nature. Tel un musicien qui montre ses failles comme Schumann décrit ses démons dans sa musique. L’orchestre est là pour porter la moindre intention du soliste.

Où réside la difficulté d’interpréter cette œuvre ?

Instrumentalement, elle est difficile. L’interprète doit être au service des états de Schumann qui compose des phrases et les interrompt. C’est difficile de s’interrompt soi-même de manière spontanée.

Vous prenez ensuite la place de chef avec La Sérénade n°1 de Brahms.

C’est un gros morceau. Elle dure 45 minutes. Cette sérénade est un chef-d’œuvre. Brahms l’a remaniée plusieurs fois. Ce qui était fréquent à cette époque. Il l’a créée pour neuf instruments, puis il a ajouté des cordes avant de décider qu’elle méritait un traitement plus conséquent. Il l’a arrangée pour un orchestre complet avec un effectif pour symphonie. Pendant un temps, il a même hésité à en faire sa première symphonie. C’est une musique différente de celle de Schumann qui évoque aussi cette rencontre entre l’homme et la nature.

Quand est venue cette envie de diriger un orchestre ?

J’ai fait mes premières armes à 13 ans avec mes condisciples du conservatoire de Paris. Nous avions monté trois programmes. J’ai eu ensuite plusieurs occasions, notamment il y a une dizaine d’années avec l’orchestre de chambre de Paris. Il y eu aussi des master classes. Depuis trois ans, je consacre une part de mon emploi du temps à la direction. Cela est venu de manière instinctive, irréfléchie. Je ne me suis pas levé un matin avec l’envie de diriger un orchestre. J’aime bien passer du temps avec une partition, organiser des projets, agréger des talents, mener une expérience globale. C’est une suite logique. J’ai envie de découvrir tout ce à quoi l’on a accès.

Infos pratiques

  • Jeudi 27 et vendredi 28 mai à 19 heures à la chapelle Corneille à Rouen.
  • Tarif : 10 €.
  • Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr
  • photo : Jean-Baptiste Millot