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Ÿuma, toujours sous une bonne étoile

photo Samy Hamila
photo Samy Hamila

Ÿuma s’est imposé comme un des groupes incontournables de la musique alternative tunisienne. Sabrine Jenhani et Ramy Zoghlami forment un duo de folk indé, révélé sur la toile il y a plus de dix ans. Leurs deux voix, belles et fragiles, se marient sur des poèmes chantés en derja, une langue ancienne, er sur une musique mélancolique et intime. Ÿuma joue mardi 13 novembre à l’espace culturel François-Mitterrand à Canteleu dans le cadre du festival Chants d’Elles. Entretien avec Sabrine Jenhani.

Vous jouiez tous les deux dans des formations différentes. Qu’est-ce vous a rapproché artistiquement ?

Le groupe s’est formé après une brève collaboration en 2013 autour d’un projet électro-blues avec un Dj tunisien qui se nomme Benjemy, suite à quoi nous avons décidé de nous lancer dans un essai de future collaboration. Cet essai qui n’est autre que le projet Mashup, né en 2015, nous a propulsés sur le devant de la scène. Très vite, nous nous sommes mis à écrire et composer ensemble un nouvel album, toujours sans perspective à cette époque, sauf celle de rester visibles pour le public qui a soutenu nos mashups. Ÿuma est né concrètement en mars 2016 avec la sortie du premier album, Chura. Nous étions un jeune groupe sur qui une bonne étoile veille continuellement car, très rapidement, la vie nous a souris, et le succès a suivi.

Vous abordez divers sujets dans les chansons. Autant les sentiments humains que les questions d’actualité. Qu’est-ce qui vous inspire ?

Les textes dans le projet Ÿuma traitent de plusieurs thèmes tels que l’amour, la passion, la jalousie, le machisme, la sexualité, la violence conjugale et autres sujets jusqu’à aujourd’hui tabou dans la société tunisienne. On écrit, compose et arrange ensemble, c’est de là que vient initialement l’inspiration. Chacun de notre côté, nous faisons du collectage de mots, de débuts de phrases, de mélodies, de lignes de guitare… tout ce qui vient à nous, au réveil, en prenant le café, en somnolant au bon milieu de la nuit, on note tout ça, et on se l’envoie. On se questionne, on s’interroge sur ce qui nous touche intimement. Tout se construit sur ces premières idées d’inspirations, elles se transforment par la suite en des œuvres complètes après une bonne séance de travail. 

L’exil est un thème récurrent.

L’exil, l’oubli, la vie, l’espoir sont en effet des thèmes récurrents dans nos compositions. Ÿuma parle de ce qui tracasse toutes les sociétés arabes, anciennement colonisées. L’exil n’est autre que le sentiment de non-appartenance que ressent un citoyen. Je cite ici une référence littéraire d’Albert Camus « l’exil et le royaume », ayant vécu entre deux cultures, le sentiment de non-appartenance n’a jamais quitté ses pensées. Tel est notre vécu en Tunisie avec tous ces mouvements sociaux séparatistes qui créent parfois des points de non-rencontre, un non-dialogue, une divergence. La vie et l’espoir sont donc un soleil ou une lueur qu’on évoque dans nos textes pour dire que demain sera meilleur. 

 

Pourquoi chantez-vous en derja ?

Dans les textes de Ÿuma, nous soulignons tout ceci à travers un contenu exclusivement lié à la culture tunisienne, c’est mettre en exergue également la derja tunisienne. Dans des termes très poétiques subtils qui mettent en valeur toutes ces valeurs, comme l’amour par exemple, souvent maladroitement transmis par les parents, ou non-avoué,  Ÿuma cherche dans son style d’écriture à revaloriser la langue tunisienne, à aborder des sujets sociaux dans un but principalement éducatif. Par ailleurs, Ÿuma est un projet qui, depuis son initiation, est basé sur le collectage d’anciens adages, expressions et mythes tunisiens. Cela fait partie de la culture dans laquelle nous avons grandi, Ramy et moi. On reprend les vieux adages, les mythes racontés par nos grand-mères. On y retrouve une certaine nostalgie et un attachement très fort qui nous relie très intimement à notre enfance. Ce langage est actuellement bafoué et remplacé par des abréviations ou par des mots actuels inspirés d’autres langues. Ce qui affaibli malheureusement un vocabulaire autrefois très riche, poétique et rempli de métaphores.

Qu’est-ce qui vous a amené à ce folk-blues ?

Nous portons tous deux la musique folk dans nos cœurs. C’est de là que vient  l’idée de la fusion entre les expressions musicales méditerranéennes et de l’autre côté de la rive, ceci constituant une richesse du fait que la Tunisie a été un carrefour de maintes civilisations, d’où cette culture musicale. L’identité musicale de Ÿuma est d’abord ce qui a été la formation de Ramy et moi-même, comme le blues, le jazz, la folk, le rock, et ensuite la fusion des univers. Nous sommes également dans la promotion de l’universalité de la culture musicale, il ne s’agit pas de mettre une étiquette sur l’origine de la musique, elle se crée. 

Pourquoi avoir ajouté une dimension spirituelle à cette musique ?

La dimension spirituelle vient certainement de l’influence indirecte de la culture musicale soufie dans laquelle chaque Tunisien baigne dès son plus jeune âge. Il y a aussi cette forte croyance qui réside en chacun de nous, une croyance spirituelle plus que religieuse. Nous avons traduit ce que l’âme a voulu dire en se référant parfois à la spiritualité qui nous portait intimement, à Dieu, à ce qui nous attache à nos croyances les plus profondes. La musique de Dead can dance, Orange Blossom, Tricky, sont également source d’inspiration. 

 

Infos pratiques

  • Mardi 13 novembre à 20h30 à l’espace culturel François-Mitterrand à Canteleu. 
  • Première partie : You
  • Tarifs : 13,20 €, 9,10 €. Pour les étudiants : carte Culture. 
  • Réservation au 02 35 36 95 80

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