/

Historial : Rouen s’empare de Jeanne d’Arc et de sa postérité

Un nouveau lieu à Rouen : l’Historia Jeanne d’Arc. Installé dans le palais archiépiscopal sur près de 1000 m2, il retrace l’histoire de Jeanne d’Arc.

 

photo Thomas Boivin
photo Thomas Boivin

La Métropole rouennaise a ouvert samedi 21 mars l’Historial Jeanne d’Arc dans le palais archiépiscopal où se déroula son procès posthume. Les scénographes de l’agence Clémence Farrell sont parvenus à marier ce superbe bâtiment médiéval restauré avec les nouvelles technologies contemporaines. A l’image des meilleurs musées actuels, le visiteur est emporté dans un parcours immersif en sept stations particulièrement réussi. Les concepteurs ont pris le parti, avec bonheur, de mettre en scène les nombreux témoignages recueillis lors du procès en réhabilitation de 1456. De salle en salle, de manière très didactique, se dessinent tant le portrait de Jeanne, jeune fille courageuse douée d’une volonté « politique » avant la lettre que le contexte d’une époque bien différente de la nôtre où le sacré domine les consciences. Ici, la crédibilité historique n’a pas été sacrifiée sur l’autel de l’attractivité, ni l’inverse.

 

Au sortir de ce parcours captivant, le visiteur est invité à s’interroger sur la postérité de Jeanne à travers une “mythotèque“ suggérée par Laurent Fabius pour « faire l’histoire de cette histoire ». Dans les siècles qui ont suivi son supplice, Jeanne d’Arc est oubliée. Son existence est même mise en doute. Et quand elle est évoquée ce n’est pas à son avantage : Shakespeare en fait une sorcière, quant à Voltaire, il la tourne en dérision en moquant la crédulité populaire à son égard. Il faudra attendre le XIXe siècle et l’historien Michelet qui a lu les minutes des deux procès de Jeanne pour qu’elle devienne « une fille du peuple » et « une sainte laïque ».

 

Jeanne et la politique

La droite en fait très vite et pour longtemps une icône nationaliste, incarnation pour Barrès de « la résistance contre l’étranger » alors que la gauche se montre plus réservée dans un premier temps. Le libertaire Thailhade fustige ainsi « le culte rendu à une idiote ». L’Eglise, mal à l’aise face à une femme qu’elle a fait condamner, tente de se l’annexer en la canonisant en 1920 dans la foulée de la victoire de 1918. Au grand dam des Libres penseurs qui estiment que Jeanne d’Arc ne lui appartient pas car elle fut « trahie par son roi » et « brûlée par les prêtres ». A la suite, la Collaboration utilise Jeanne d’Arc dans son combat contre l’Angleterre et cultive une supposée analogie entre Pétain à Vichy et Charles VII à Bourges.

 

Dans la période récente, les présidents de la Vème république, de gauche comme de droite, ont tous vu en elle un symbole de « l’unité nationale », même si cette notion reste bien hypothétique appliquée au Moyen-âge. Le Front national en a fait un emblème, provoquant de récurrentes polémiques, en accusant les autres partis d’avoir « trahi » son héritage politique. Mais en définitive, pour des raisons certes différentes, Jeanne fait aujourd’hui l’unanimité, même à l’extrême-gauche. Le philosophe trotskyste Daniel Bensaïd dit ainsi avoir eu « le coup de foudre » pour cette héroïne et « sa part énorme de mystère ».

 

Pour Frédéric Sanchez, président PS de la Métropole, « il fallait quelque part réparer une dette profonde ». Rouen qui fut le théâtre de sa condamnation et de sa réhabilitation n’avait guère honoré Jeanne, si ce n’est chaque année à l’occasion de la date anniversaire de son supplice. Jusqu’en 2012, il existait bien un petit musée privé consacré à la jeune fille. Ouvrant sur la place du Vieux-Marché où s’élève une église moderne à la dédicace de l’héroïne, il évoquait son destin à travers de petites scénettes émouvantes qui réunissaient des personnages de cire un peu poussiéreux. A la mesure de la modestie du personnage mais un peu indigent…

Dominique Aubin (Fil-Fax Normandie)

 

L’Historial en chiffres :

  • Investissement : 10,6 M€
  • Travaux : 18 mois
  • Fréquentation attendue : 100.000 à 150.000 visiteurs l’an
  • Futur : associer ce lieu au sein d’un parcours « Jeanne d’Arc » à la place du Vieux-Marché où elle fut brûlée, à la Tour dite Jeanne d’Arc où se tint une séance de son procès et au Panorama XXL où sera installée en 2016 une reconstitution de Rouen à la fin du Moyen-âge.

 

Les horaires :

  • Du 1er octobre au 31 mai : du mardi au dimanche de 9h45 à 19h45. Du 1er juin au 20 septembre : les mardi, mercredi, jeudi et dimanche de 9h45 à 19h45, les vendredi et samedi de 9h45 à 20h45.
  • Tarifs : 9,50 €, 6,50 €, 26 € pour 4 personnes.