Wax Tailor : « comme un road trip »

photo Géraldine Petrovic
photo Géraldine Petrovic
photo Géraldine Petrovic

On connaît les outils de Wax Tailor et on les retrouve avec grand plaisir dans ce cinquième album, By Any Beats necessary sorti le 14 octobre dernier. Jean-Christophe Le Saoût crée une nouvelle fois de savoureuses ambiances sonores et réussit à embarquer sur une route imaginaire au rythme d’un hip-hop empreint de rock psyché, de rhythm’n’blues, de soul… Des kilomètres qui ne s’avalent pas toujours sous le soleil et dans des endroits paradisiaques. By Any Beats necessary est marqué par l’actualité tragique de ces derniers mois, les attentats en France et les murs qui s’érigent dans le monde, symbolisés par les barbelés sur la pochette du disque. Alors ces atmosphères qui font naître autant d’images que d’émotions, elles peuvent être très colorées, mais aussi sombres. Lors de ce voyage, Wax Tailor est toujours aussi accompagné de Charlotte Savary, Sara Genn, Mattic, Token, Lee Fields… Après l’album, la tournée qui commence en novembre pour se terminer le 30 mars prochain. Wax Tailor sera en concert le 22 novembre au Cargö à Caen et le 10 décembre au 106 à Rouen. Entretien.

 

L’album commence les bruits d’un automobiliste qui entre dans sa voiture, allume son autoradio… Pourquoi avez-vous souhaité planter un décor aussi précis ?

C’est intéressant de projeter des images que chacun interprète à sa façon. Pour cet album, j’avais une vision : une aire d’autoroute, un conducteur qui s’est arrêté pour prendre un café et qui s’apprête à repartir. Là, on prend la route. J’ai imaginé cet album comme un road trip parce que j’ai été très marqué par la tournée aux Etats-Unis. Mon point de départ : chaque titre devait évoquer une ville. Je pars d’un point et j’arrive à un autre point. Mais j’ai trouvé cela trop restrictif. J’ai préféré jouer avec les codes.

 

Cet album est un voyage dans l’espace mais aussi dans le temps.

Entre le blues et le hip-hop, il s’est en effet passé 50 ans. On les traverse avec Lee Fields et Token qui ont aussi 50 ans d’écart. Je n’ai pas fait de cela un cahier des charges strict. Toutes ces musiques m’ont tellement influencé et nourri qu’elles sont là, en moi.

 

Vous jouez aussi avec les sons, les bruits qui rappellent les Etats-Unis, notamment sur Diggin’Saloon.

Quand j’ai terminé ce titre, je le trouvais un peu caricatural. Il y avait un côté saloon, cow-boy un peu too much. Soit je gommais tout cela, soit je le renforçais. J’ai choisi la deuxième option. J’ai joué avec des dialogues de séries en pensant aux Mystères de l’Ouest. Cela m’a permis de me replonger dans ces histoires. Quand j’aborde un thème, j’ai toujours besoin d’effectuer des recherches. J’ai revu plusieurs westerns, différents documentaires.

 

 

 

Quand vous êtes aux Etats-Unis, que ressentez-vous ?

Les Etats-Unis sont une terre de contrastes. Les Américains sont capables de générer le pire et le meilleur. Je vois deux Amériques qui se regardent. Cela commence à être comme cela en France. Les Etats-Unis restent un pays fascinant. On a grandi avec des références culturelles américaines, avec la musique, le cinéma… Ce que j’aime le plus chez les Américains, c’est leur optimisme. Ils savent faire face. Ils voient toujours la bouteille à moitié pleine.

 

Y a-t-il aussi chez vous une Amérique fantasmée ?

Oui, je suis très lucide. Il y a les Etats-Unis que je connais et les Etats-Unis que je fantasme. Mes disques sont davantage nourris par cette Amérique fantasmée. J’adore la musique américaine. Le cinéma américain me fascine. Je suis fan de ce cinéma des années 1960 et 1970, de Kubrick, des frères Cohen… Les Etats-Unis sont un pays qui catalyse les talents.

 

Avez-vous les mêmes sentiments dans d’autres pays ?

Il y a plein de pays que j’adore, qui me parlent. Cela vient des références culturelles. Mais, aux Etats-Unis, je me sens chez moi. Quand je suis allé pour la première fois aux Etats-Unis, j’étais comme à la maison. La ville est monde.

 

Vous avez commencé à écrire cet album au moment du drame à Charlie Hebdo et vous l’avez terminé en juillet dernier avec celui de Nice. Est-ce que cette envie d’ailleurs vient de ces différentes tragédies ?

Ce qui s’est produit en janvier 2015 a été un cataclysme pour moi. Même s’il y avait quelque chose de prégnant. On a grandi avec Charlie Hebdo. On a touché à des personnes de notre famille. Il y a eu ensuite l’attentat au Bataclan. J’étais groggy. Face à ça, on ne peut être qu’observateur parce que l’on n’a pas les clés de lecture de ce qui se passe. Alors on regarde les chaines d’info en boucle. On sait que c’est crétin mais on ne peut pas s’en empêcher. Aujourd’hui, on doit revoir nos grilles de lectures parce que nous avons grandi avec des évidences. On a ensuite besoin de débrancher et de partir loin.

 

D’où le titre de cet album, By Any Beats Necessary ?

Le titre est arrivé avant. Aujourd’hui il a d’autres résonnances. C’est une référence au discours de Malcom X, « By any means necessary », inspiré des Mains sales de Sartre, « Par tous les moyens nécessaires ». J’ai grandi avec la culture hip-hop et Malcom X en est une des figures. Pour vivre un road trip, il faut passer « par toutes les sonorités musicales nécessaires ». J’ai aussi pensé à On The Road de Kerouac. Je voulais qu’il y ait ce rapport universel que l’on a au voyage. Cette envie de prendre un sac à dos et de partir.

 

  • Mardi 22 novembre à 20 heures au Cargö à Caen. Tarifs : de 28 à 21 €. Réservation sur www.lecargo.fr
  • Samedi 10 décembre à 20 heures au 106 à Rouen. Tarifs : de 27 à 18 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com