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Médine : « je n’oublie pas de mettre des actes sur des mots »

Médine fait partie de ces rappeurs qui jouent avec les mots avec une grande dextérité. Chez lui, pas de fioriture. Le discours est toujours brut, aiguisé, puissant pour encore mieux dénoncer les maux d’une société qu’il observe quotidiennement. Dans Prose Élite, son nouvel album, le rappeur havrais revient sur des batailles récurrentes, reste plus que jamais vigilant. Il dénonce, lance des alertes. Médine qui va devenir acteur dans le prochain film de Kheiton avec Catherine Deneuve est au Tetris au Havre vendredi 17 mars. Entretien.

 

La figure de Victor Hugo revient régulièrement dans ce nouvel album, Prose Élite. Pourquoi cet écrivain ?

J’ai choisi Victor Hugo pour me raccorder à une tradition littéraire, pour rappeler que les rappeurs, comme lui, font partie d’une famille de poètes, de cette culture française. J’ai cherché pendant longtemps à quelle figure le rap peut s’associer. Celle de Victor Hugo est ressortie. Il a cet esprit de synthèse. Ces citations sont de véritables punch-lines de rappeurs. Victor Hugo était aussi dans la littérature un marginal. Il a cassé les codes du théâtre classique. Comme les rappeurs qui ont cassé les codes de la musique. Victor Hugo, c’est mon astuce à moi pour me raccrocher à la francophonie, pour me lier à mes racines françaises.

 

Quels écrits de Victor Hugo préférez-vous ?

Ce sont surtout ses citations, ses recueils qui m’ont avant tout frappé.

 

Comment Victor Hugo a influencé votre écriture ?

Je ne pourrais pas dire. Il y en a beaucoup. Je pense que je me suis inspiré en divers endroits. Hugo parsème mes textes. Il m’oriente. J’aimerais écrire un titre de pure influence hugolienne.

 

Quels autres écrivains vous ont marqué ?

Il y a en a beaucoup et cela remonte plus à l’époque de l’école. Maupassant m’a beaucoup marqué, notamment dans la structure de ses récits. J’ai lu aussi les nouvelles de Dino Buzzati.

 

Comment parler de littérature encore aujourd’hui ?

C’est vrai, il y a certaines œuvres qui sont lourdes ou complexes à aborder pour les jeunes générations. C’est le rôle de certains rappeurs, qui ont accès à ces œuvres, de les vulgariser. Même si les œuvres littéraires peuvent apparaître lointaines, nous savons qu’elles restent un patrimoine.

 

Comment faut-il comprendre le titre de l’album, Prose Élite ?

Il y a tellement de lectures. En choisissant ce titre, j’ai opté pour la technique du miroir. Je propose quelque chose avec plusieurs sens et chacun y voit le reflet qu’il veut bien voir. Moi, je préfère le côté littéraire plutôt que religieux.

 

Votre croyance en la force des mots est-elle intacte ?

Oui, complètement. Et plus que jamais. Avec les réseaux sociaux, on passe notre temps à écrire. On partage des colères, des états d’âme, des frustrations, des peines, des joies…

 

 

 

Vous chantez « 2017, ce sera la guerre ». Que voulez-vous dire ?

C’est une prédiction. Je ne le souhaite pas, bien sûr. Nous sommes dans un contexte électoral particulier. Il y a encore des bavures policières. La tension est palpable dans les quartiers. En tant qu’observateur, je le pressens. Aujourd’hui, on nous intime d’être français d’une seule façon, avec des stéréotypes.

 

N’est-ce pas une provocation ?

La provocation fait partie du dialogue. Elle doit engendrer un débat. Je ne provoque pas pour provoquer.

 

Pourquoi considérez-vous le rap comme « un sport d’esclaves » ?

Ce sont les combats de coq organisés à la Réunion qui m’ont inspiré ce texte. En métropole, c’est interdit. Pour là-bas, il y a une législation spéciale parce qu’ils sont considérés comme un sport. J’ai appris que les combats de coq avaient amenés sur l’île par les esclaves. J’ai fait un parallèle avec le rap qui n’est pas autorisé partout. Une certaine intelligentsia voudrait ne pas le diffuser. J’ai trouvé beaucoup de similitudes.

 

Vous dites également ne plus lire les journaux. Comment vous informez-vous ?

Je m’informe sur les réseaux sociaux. Je lis de moins en moins de journaux. Mediapart fait aussi partie de mes sources. En fait, je cherche auprès de certains médias des informations qui ne sont pas dénaturées par des amitiés avec des puissants.

 

Êtes-vous toujours aussi militant ?

Plus que jamais. Cependant, dire que l’on est militant est un peu prétentieux. J’ai ma façon à moi d’être militant. Je suis président d’associations. Au-delà du rap, je n’oublie jamais de m’investir sur le terrain, de mettre des actes sur des mots.

 

Pour la première fois, vous allez tourner dans un film Mauvaises Herbes de Kheiron, avec, à l’affiche, Catherine Deneuve.

Ce sera au mois de septembre. Oui avec Catherine Deneuve, ce n’est pas rien. Je suis conscient que je suis un privilégié de tourner avec un monument du cinéma français. Je vais jouer le rôle d’un personnage assez dur. Je le prends avec beaucoup de sérieux et sans trop de pression. Ce tournage est comme un défi pour moi.

 

  • Vendredi 17 mars à 20h30 au Tetris au Havre. Tarifs : de 17 à 12 €. Réservation au 02 35 19 00 38 ou sur http://letetris.fr