Antoine Wielemans : « J’ai eu envie de me réapproprier la langue française »

photo : Manon Milon

C’est un titre apaisant qui emmène hors du temps et loin de tout chaos. Sel, avec ses ambiances vaporeuses et délicates, a ces mouvements langoureux d’un roulis de la mer et offre un joli moment d’introspection. Cette première chanson annonce un album prometteur qui sortira en septembre 2021. Antoine Wielemans, chanteur et guitariste du groupe bruxellois, Girls in Hawaii, est venu en Normandie pour tourner le clip de Sel à Vattetot-sur-Mer, entre Fécamp et Étretat, et écrire une partie de ce premier disque, intitulé tout simplement Vattetot, en solo et en français. Entretien.

Pourquoi avez-vous choisi la Normandie, plus précisément Vattetot-sur-Mer ?

C’est une région que je connais bien. J’adore ce littoral. En Normandie, on est entre terre et mer. C’est très vert, rocheux et vallonné. On est proche des Ardennes belges. Quand je travaille sur un album, j’aime écrire la nuit, être plongé dans une ambiance. Pour cela, je pars pendant une à deux semaines dans des endroits tranquilles. Pour cet album, je suis venu à Vattetot dans la maison de vacances d’un de mes amis. Elle se trouve au bord des falaises avec une vue magnifique sur la mer et n’est pas beaucoup occupée l’hiver.

D’où ce premier titre, Sel, empreint du lieu où vous avez séjourné.

La mer est en effet très présente dans ce titre. Pourtant, c’est un des rares titres qui n’a pas été écrit là-bas. Néanmoins, ce n’est pas un album sur la mer. En général, j’aime bien me laisser envahir par une ambiance, par la nature en général. Quand j’étais à Vattetot, il faisait assez froid. Il y avait des vents violents, une pluie battante, une mer déchainée… Des conditions que j’adore. C’est assez romantique.

Dans le clip, la mer est bleue. À quel moment l’avez-vous tourné ?

Nous avons tourné en février avec des lumières artificielles. Trois jours avant le tournage, il y a eu un énorme éboulement. 10 à 15 mètres de falaise sont tombés. C’était très impressionnant. La craie qui s’est désagrégée dans l’eau a créé une couleur de mer très étrange.

À quel moment avez-vous eu envie d’écrire seul ?

Cela fait dix-sept ans que je suis au sein de Girls in Hawaii. Ce sont dix-sept années consacrées à un projet musical. Le rythme de l’écriture du groupe est assez lent. Il faut ajouter celui des tournées et les projets annexes. Tout cela laisse peu de temps et d’énergie pour faire autre chose. Depuis quelque temps, j’avais envie de travailler avec d’autres musiciens, de m’ouvrir à d’autres sphères. Je voulais aussi faire mon truc à mon rythme, à ma façon. J’ai alors écrit les bases du disque avant d’envisager de le développer avec d’autres. Avec les confinements, je me suis retrouvé en solo.

Pourquoi une écriture en français ?

J’écoute de plus en plus de musiques avec des textes en français. Je les ai découvertes sur le tard. J’écoute Histoire de Mélody Nelson et L’Homme à la tête de chou de Gainsbourg, Mathieu Boogaerts, Albin de la Simone, Bertrand Belin, Flavien Berger… Avant tout cela, il y a eu Noir Désir quand j’étais adolescent. Sinon, 90 % de ma culture est anglo-saxonne. J’ai eu envie de me réapproprier la langue française. C’est génial. Pour le dernier album de Girls in Hawaii, je voulais développer une écriture plus poussée mais je me suis confronté à un manque de vocabulaire. Pour cet album, j’ai pu maîtriser mon outil, dire les choses que j’avais envie de dire et jouer avec la poésie de la langue.

Quel plaisir avez-vous eu à écrire en français ?

J’ai eu quelques poussées d’inspiration. Il faut toujours trouver les deux premières phrases. Après, c’est une mécanique qui se met en route. Les choses s’imbriquent d’elles-mêmes. L’avantage : en français, je ne cherche pas mes mots. J’écris ce qui me passe par la tête. Avec l’anglais, on compose des musiques avec des voix, avec ce que l’on appelle des textes en yaourt et ça devient un casse-tête pour écrire ensuite. Là, j’avais la possibilité de jouer des accords et de jeter des phrases. C’est un travail qui m’a super intéressé.

Est-ce que cette période est inspirante ?

Oui pendant le premier confinement parce que tout était frais. Depuis quelques mois, nous ne sommes plus nourris. En tant que musicien, ce sont les rencontres, les discussions qui créent une dynamique. La période est compliquée pour générer du neuf. Ce n’est plus un moment inspirant mais très étrange.

  • photo : Manou Millon