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Yelli Yelli : « ces musiques m’ont donné une liberté supplémentaire dans ma façon de chanter »

photo : Smith

Yelli Yelli puise autant dans l’histoire de sa famille que dans celle qui unit la France et l’Algérie. Elle raconte des souvenirs et des images fantasmées, revient sur les identités plurielles et des faits marquants dans La Violence est mécanique, l’album qui suit Terre de mon poème. Après Milkymee, Yelli Yelli est le projet musical d’Émilie Hanak. Dans ses chansons, nourrie de musique kabyle, pop et d’électro, il y a du rêve et des colères. Yelli Yelli sera dimanche 5 juin à Rush, le festival du 106 à Rouen. Entretien.

Avec un tel titre, La Violence est mécanique, vous la considérez comme inévitable.

Ce titre est issu d’une chanson (Haymana, ndlr). Quand j’ai écrit ces paroles, je n’étais pas dans une réflexion. Je scandais ces mots qui faisaient référence à une sorte de lassitude. Je pense sincèrement que certaines choses s’imposent à moi lorsque j’écris. Je n’arrive pas à tout expliquer. Il reste donc une part de mystère dans ce titre. Cependant, il est vrai que cette violence peut être inévitable, malheureusement banale.

Avez-vous souhaité mettre en miroir des images rêvées et des réalités dans cet album ?

Oui, tout à fait. J’ai écrit un premier album il y a quatre ou cinq ans qui portait sur une Algérie qui a un rapport avec mes racines berbères. J’ai refait connaissance avec ce pays à travers la musique qui a bercé mon enfance. Depuis, il s’est passé plein d’événements là-bas, dont une révolution. Je suis aussi allée en Algérie pour la première fois. J’ai ainsi raccroché le wagon avec le réel, l’histoire de ces deux pays, l’Algérie et la France. Dans cet album, j’ai souhaité aborder des sujets qui sont hyper sensibles, comme l’Indépendance, un moment que l’on porte en nous et malgré nous dans notre héritage.

Vous le chantez dans Tassusmi. Cet héritage se porte en silence.

Oui, il y a de longs silences sur l’histoire parce qu’il reste des sujets tabous dans plein de familles. La musique permet de se réapproprier et sublimer l’histoire. Chez mes parents, on ne parlait jamais de nos racines. Sauf par la musique et la nourriture. C’est pour cette raison que ce pays est à la fois si loin et si réel. À 35 ans, j’ai revisité tout ça à travers la musique. Ce fut une sorte de thérapie. 

Est-ce que ces sujets se sont ensuite imposés ?

Oui, complètement. En tant que musicienne, je n’ai pas de plan ou de stratégie. Rien n’est réfléchi à l’avance. Les choses viennent. À un moment, je me suis replongée dans tous ces airs kabyles que j’écoutais. Il y a là une autre façon d’approcher la musique, une autre technique de rythmes, avec des gammes et des tonalités, que l’on ne voit pas en Europe. Tout cela ne groove pas de la même manière et m’a obligé à changer ma façon de chanter. C’est un peu comme si j’avais un super pouvoir venant de mes ancêtres. Il y a quelque chose de mystique.

Vous n’aviez jamais soupçonné cela auparavant ?

Non, jamais. Quand j’ai commencé à travailler sur ces musiques, ma voix était différente. J’aimais bien cette puissance insoupçonnée. Ces musiques m’ont donné une liberté supplémentaire dans ma façon de chanter.

Pourquoi avez-vous une nouvelle fois fait appel à Piers Faccini pour l’enregistrement ?

J’ai écouté sa musique plus jeune. J’étais fan de son travail. Entre nous, s’est joué un ping pong d’idées. Piersl a une exigence musicale hyper inspirante qui vous pousse très loin. Cela m’a obligé à dépasser mes limites au niveau du chant, de l’intention, de la justesse… Il demande un engagement total. Comme si la vie en dépendait.

Qu’avez-vous ensuite demandé à Chloé ?

C’est le deuxième album que je travaille avec Piers. Le résultat qui était super ressemblait trop au premier album. J’avais besoin d’un autre regard extérieur. Moi qui suis fan de musiques électro, j’ai pensé à Chloé. Elle a apporté du mystère aux chansons.

Pour écrire La Violence est mécanique, vous êtes-vous aussi nourrie de livres d’Histoire ?

J’ai beaucoup parlé avec des membres de ma famille et d’autres personnes. En effet, j’ai ressenti le besoin de lire beaucoup sur l’histoire entre la France et l’Algérie, notamment L’Art de perdre d’Alice Zeniter ou encore Nedjma de Kateb Yacine. Le cinéma a été également une source d’inspiration.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous êtes allée pour la première fois en Algérie ?

Il y a plein de signes qui rappellent la France. Il y a la Méditerranée. Les couleurs sont plus saturées. On ressent une plus grande intensité. Je me sentais chez moi et dans un pays étranger. J’étais avec mon grand frère. C’était très émouvant. Nous étions contents et excités de vivre cela ensemble. Désormais, j’ai envie d’explorer davantage et de comprendre ce pays.

Rush, la programmation

  • Vendredi 3 juin à partir de 18h30 : Kidromi, Black Sea Dahu, QuinzeQuinze, Gystere, Crystal Murray, Lucie Antunes, Lous and the Yakuza, Mansfield.TYA, Vitalic
  • Samedi 4 juin à partir de 16h30 : Dalhia, Manon Labry, Delish Da Goddess, Leonie Pernet, Franky Gogo, BbyMutha, Underground System, Le Juiice, Tshegue, Irène Drésel
  • Dimanche 5 juin à partir de 16 heures : Tolvy, Julien Desprez, John Greaves, November Ultra, Yelli Yelli, Porridge Radio, Chloé, Jacques, Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, Jeanne Added

Infos pratiques

  • Tarifs : de 15 à 5 € une journée, de 24 à 12 € les trois jours, gratuit pour les moins de 13 ans
  • Rush sur la presqu’Île Rollet à Rouen
  • Réservation sur https://rush.le106.com