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Joanie Lemercier : « j’étais dans une bulle de technologie »

Les œuvres de Joanie Lemercier sont des tableaux de lumière mouvants et vibrants. Jusqu’au 4 septembre au Tetris au Havre, pendant Exhibit !, l’artiste, connu pour son travail dans les arts numériques depuis quinze ans, expose différentes pièces, tout d’abord contemplatives, puis revendicatives, enfin magiques. Joanie Lemercier crée des paysages lumineux faits de lignes et de formes géométriques tout en jouant avec nos perceptions. Il partage sa colère et son inquiétude face aux bouleversements climatiques et la destruction de la nature dans un film, proche du documentaire, sur la mine de charbon dans la forêt de Hambach en Allemagne. Après cette découverte, l’artiste s’est interrogé sur sa pratique et la quantité d’électricité consommée par ses outils numériques. Il raconte un futur possible, sublime le vivant à travers des maquettes puisant l’énergie du soleil et dessinant une prairie luxuriante avec de hautes herbes cueillies dans le Fort de Tourneville, éclairée par une guirlande de lumières de faible tension. Entretien avec Joanie Lemercier.

Vous présentez Slow Violence, ce film sur la mine de charbon, au milieu de l’exposition, juste après trois œuvres apaisantes et immersives. Pourquoi ?

J’ai voulu partager ma propre expérience, ma rage. Dans ma pratique, j’utilise des ordinateurs, les nouvelles technologies, beaucoup de gadgets. Quand j’ai découvert ce chantier immense, je me suis rendu compte que j’étais co-responsable de la destruction de la nature. J’ai compris mon propre impact et pris conscience des dégâts. Cela m’a profondément bouleversé et a entrainé un changement dans ma façon de travailler. 

On peut avoir l’image d’un artiste numérique enfermé dans son bureau, les yeux uniquement rivés sur les écrans. Étiez-vous dans une sorte de bulle, malgré vous ?

Oui, j’étais dans une bulle de technologie. Ces outils numériques mettent forcément une distance. Cela montre également tous les travers du monde capitaliste qui prône l’individualisme. Chacun doit penser à lui-même, à son propre projet et se retrouve en compétition avec son voisin. Parce qu’il faut toujours faire mieux que lui. Nous avons alors les yeux sur nos écrans. Or cette fenêtre n’est pas le monde réel. J’ai vraiment pris du recul là-dessus.

Quelle fonction donnez-vous à l’art désormais ?

Il y a trois ans encore, j’étais complètement désintéressé par la question politique. J’étais sensible à l’écologie sans vraiment y porter une attention particulière. J’explorais le beau, des réalités virtuelles, des esthétiques… Aujourd’hui, on ne peut faire abstraction de la guerre, de la pénurie alimentaire… Les différents confinements ont été aussi un sursaut. Je pense que les artistes ont un rôle à jouer pour rendre le futur meilleur, pour parler de justice sociale et d’humanité. La logique du capitalisme ne fonctionne plus. Le PIB n’est pas un indicateur de bonheur.

Est-ce que le mouvement des constructivistes a une influence sur vous ?

J’ai une fascination pour le brutalisme. Cette esthétique m’a beaucoup influencé. Comme le Bauhaus. C’est pour cette raison que je suis très sensible à la ville du Havre avec sa géométrie, son architecture, ses bâtiments, sa lumière…

Infos pratiques

  • Jusqu’au 4 septembre, tous les jours, sauf le mardi, de 11 heures à 18 heures au Tetris au Havre
  • Entrée libre et gratuite
  • Renseignements au 02 35 19 00 38 ou sur www.festivalexhibit.fr