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Léonie Pernet : « La poésie permet la sublimation de nos vies »

photo : Jean-François Robert

Léonie Pernet fait partie des artistes les plus captivantes. Elle crée un monde poétique empreint d’une douce mélancolie et d’un certain romantisme. Dans Le Cirque de consolation, son deuxième album, elle signe des textes intimes et profonds et réalise un beau mélange de pop, de musiques électroniques et de percussions africaines où elle pose une voix délicate, émouvante et affirmée. Léonie Pernet sera samedi 17 septembre à Évreux et partage le Live à Gisacum du Tangram avec Johnny and Rose, Léo Vauclin et Ottis Cœur lors des Journées du matrimoine. Entretien avec la multi instrumentiste.

Avec-vous imaginé Le Cirque de consolation comme une suite à Crave, le premier album ? Cette consolation viendrait ainsi combler un désir, voire un manque.

C’est tout à fait cela. Ces deux albums créent une chronologie intime dans laquelle nous sommes plusieurs à nous retrouver. Il y a l’idée de réparer, de rassembler les pièces d’un puzzle.

Quand on évoque la consolation, on pense au texte de Stig Daguerman. Vous êtes-vous inspirée Notre Besoin de consolation est impossible à rassasier ?

C’est en effet une référence, un de mes textes de chevet. Je l’ai lu la première fois quand j’étais adolescente. Je l’ai redécouvert il y a quelques années. Depuis, je le lis et relis. C’est une forme courte, concise, entre l’essai et la poésie. Dagerman qui était un homme engagé, en souffrance, parle là de la fragilité, de la liberté avec une certaine mélancolie. Il était écartelé entre un sentiment d’impuissance et sa force d’engagement. Si on fait fi de la fin de sa vie, il y a beaucoup d’espérance dans ce texte. Il fait ce constat : on traque sa consolation comme un chasseur traque le gibier.

La musique est-elle aussi pour vous une consolation ?

Cela s’inscrit là-dedans aussi. Oui, la musique permet aussi de traquer sa consolation.

Dans un des titres de l’album, Les Chants de Maldoror, vous écrivez : la prose comme infini trésor. Quel est ce trésor ?

Il faut prendre cette phrase au premier degré. La poésie permet la sublimation, la transfiguration de nos vies. C’est pour cette raison qu’elle est si précieuse dans ce monde violent. La prose peut sembler futile. Or elle ne l’est pas. Elle a une grande valeur et peut nous appartenir à tous. C’est ce qui nous rend vivants. On pourra nous enlever n’importe quoi mais on ne pourra jamais nous arracher la poésie, cette manière de percevoir le monde.

Lisez-vous beaucoup de poésie ?

Je relis beaucoup Pessoa. Depuis quelques années, j’ai une obsession. C’est René Char. Ma passion est renouvelée à chaque lecture. Feuillets d’Hypnos est une œuvre immense qui emmène dans le domaine de l’indicible et de l’ineffable.

Êtes-vous revenue aux Chants de Maldoror de Lautréamont à qui vous empruntez le titre ?

Assez peu. J’ai lu ce livre au moment de mon adolescence romantique, gothique et noire. Il m’a cependant accompagné de loin. C’est un souvenir. J’avais mis ce titre dans la mythologie que je me suis constituée. Cette chanson est sortie comme cela. Sans réflexion. J’étais en train d’enregistrer et tout a déroulé. Je voulais évoquer ces forces sombres qui nous agitent. Celles qui font trembler quand on marche.

Les tourments intérieurs traversent cet album. Est-un une idée de départ ?

J’avais envie de davantage me livrer et m’exprimer. Ce n’est pas une thérapie. Je pense que l’on n’a jamais fini avec soi. J’avais envie de chanter des traits autobiographiques très métaphoriques. Il n’était pas question pour moi de me raconter comme dans un roman. Tout est vrai dans cet album.

Y a-t-il un lien avec votre chant, plus libre ?

Quand j’enregistre, je fais de nombreuses prises. Jusqu’à ce que le timbre me semble parfait. Il y a beaucoup de recherche dans mes démos. Il faut que ça sonne comme ça doit sonner. Clara Ysé m’a fait travailler sur À Rebours. Elle m’a fait faire des exercices, presque théâtraux. C’était très riche. Avant, j’étais presque un peu navrée de chanter. Maintenant, je me sens plus à l’aise sur scène.

Avez-vous aussi été plus à l’aise avec l’écriture ?

Oui. Ce sont des nœuds qui sautent petit à petit. Pour cet album, j’étais aussi moins nouée qu’auparavant. Les neuf textes ont certes mis du temps à sortir. J’ai passé des heures à griffonner avant de tout jeter. Je ne gardais même pas un mot. En fait, je n’aime pas sentir que cela a été écrit. Je veux juste l’émotion. J’ai adoré ce travail de composition et d’écriture de cet album.

Vous venez à Évreux pour un concert et pour une table ronde sur les femmes dans les musiques actuelles. Vous prêtez-vous souvent à ces débats ?

Je ne peux pas refuser de partager mon expérience. Il faut être dans une forme de partage parce qu’un parcours inspire. C’est bien d’échanger sur les réseaux sociaux mais cela ne suffit pas. Il faut se rencontrer, se parler, avoir un engagement plus grand. Donner de sa force et de son expérience n’est jamais inutile.

Infos pratiques

  • Samedi 17 septembre à partir de 17 heures à Gisacum à Évreux. Concert avec Johnny and Rose, Léo Vauclin et Ottis Cœur. Gratuit
  • Dimanche 18 septembre à 14 heures au Kubb à Évreux : table ronde sur Les femmes dans les musiques actuelles avec Léonie Pernet et Lucie Marmiesse dans le cadre des journées du matrimoine