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Une capitale européenne de la culture réveille un territoire

Qui sera la capitale européenne de la culture en 2028, Bourges, Clermont-Ferrand, Montpellier ou Rouen ? Réponse mercredi 13 décembre. Si le label suscite des envies, le décrocher transforme un territoire. Comme à Lille et Marseille. Retour sur ces capitales en 2003 et 2014.

Il ne reste plus que deux jours avant de savoir qui sera la capitale européenne de la culture en 2028. Rossella Tarantino, présidente, annoncera mercredi 13 décembre en fin d’après-midi au ministère de la Culture à Paris le nom de la ville après la délibération du jury européen. Sur la short list, il reste Bourges, Clermont-Ferrand, Montpellier et Rouen qui présentent des projets différents. Devenir une capitale européenne de la culture marque un territoire non pas pendant une seule mais plusieurs années. 

Les villes de Lille, en 2003, et Marseille, en 2014, ont connu une métamorphose. « C’est un accélérateur époustouflant », note Pierre Sauvageot qui a suivi la candidature de Marseille. Pour Emmanuel Vinchon, conseiller artistique à Lille, « c’est une puissance de feu. Et ce au-delà de la métropole. Une dynamique a été mise en place ».

Des lieux phares

Premier changement : le visage de la ville. Il se transforme après des programmes de travaux avec des constructions de tout ou partie de bâtiments, des réhabilitations… « La construction la plus emblématique est celle du Mucem (musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, ndlr). Il a changé Marseille. On peut le traverser pour se promener du bas vers le haut de la ville. Ce bâtiment contemporain a été le vaisseau amiral. Enfin, il existait à Marseille une structure à l’échelle de la ville. Le vieux port qui était un parking est redevenu le centre où se déroulent de nombreuses activités », décrit Pierre Sauvageot.

« Tous les gens qui ont connu Marseille disent qu’elle a changé. Il y a eu un gros effort de rénovation des bâtiments culturels et urbains. Il y a eu des investissements importants à la Friche de La Belle de mai. La ville autour du port n’est plus du tout la même. Et tout cela reste », indique Bernard Latarjet qui a dirigé l’association Marseille-Provence 2013 de 2004 à 2010. Comme la Biennale internationale des arts du cirque ou encore le GR2013, des chemins de randonnée autour de la métropole marseillaise où sont proposés des balades thématiques et des événements culturels.

Ensemble

Se lancer dans une telle candidature réveille des envies, titille les imaginations et remet en cause des façons de faire. « Des projets associatifs se sont développés. Notamment dans les quartiers Nord. Il y a eu un gros effort. Par ailleurs, les équipements culturels se sont mis à concevoir des types de programmation plus ouverts sur des thématiques sociétales. Cela a pu aussi se faire avec les institutions scolaires, associatives et sociales. Entre les arts et la société, le mariage est devenu différent », selon Bernard Latarjet. Le président de Marseille-Provence 2013 souligne également les volonté de créer ensemble.

Même remarque de la part de Pierre Sauvageot : « c’est en rassemblant les lieux et les équipes, en mutualisant les moyens que l’on arrive à faire plus. L’argent supplémentaire, c’est la coproduction ». « C’est ensemble que l’on trouve le sens commun, poursuit Emmanuel Vinchon. Cela concerne le monde associatif et éducatif, les entreprises…  Chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. Le monde de la culture doit se remettre en cause et accepter de perdre son pouvoir. Ce sont les frottements qui créent les étincelles ».

Une autre image

Devenir une capitale européenne permet à une ville d’être repérée plus facilement sur une carte et d’accroître sa notoriété. « On gagne dix ans », affirme Pierre Sauvageot. Quant à son image, elle est évolue positivement. « Selon une enquête d’opinion, 76 % des Marseillais se sont dit fiers de leur ville et de leur territoire après l’année de la capitale », rappelle Bernard Latarjet. Elle change aussi au-delà de la ville puisque la fréquentation touristique a augmenté. « Il a été compté plus de 2 millions de visiteurs supplémentaires par rapport à l’année précédente. Et les 9/10 de ces visiteurs sont revenus par la suite. Marseille est devenue une destination touristique », remarque Bernard Latarjet.

Comme à Lille : « quand on pensait à Lille on parlait de son ambiance déprimante. C’était moche. Il ne faisait jamais beau. Après tout s’est inversé. Les choses ont été chamboulées, se souvient le conseiller artistique. La ville était même comparée à Lyon. Les plus jeunes ont désormais une image positive de Lille avec sa vie culturelle riche ».

Conséquence évidente : les retombées économiques. « Même s’il est difficile de mesurer, on estime qu’1 € investi rapporte 5 € », selon Pierre Sauvageot. L’ancien président de Marseille-Provence 2013 se souvient : « 270 millions ont été investis dans l’hôtellerie, un secteur dont le chiffre d’affaires a augmenté de 430 millions. 2 800 emplois ont également été conservés ».

Et après

Néanmoins, le bilan à Marseille qui est « un cas particulier » en raison de différends politiques « a été très discuté. Beaucoup de choses ont été une réussite et d’autres, un échec. Il est difficile de tenir une année. Il y a eu une montée en puissance au début de l’année de la capitale jusqu’à l’été. Il a ensuite été difficile de reprendre à la rentrée. Ce fut l’inverse à Lille. Les retours de l’année capitale ont été mitigés. En revanche, la suite a été bien gérée et vu la création de Lille 3000 », explique Pierre Sauvageot.

« Vingt ans après, la dynamique à Lille ne s’est pas essoufflée, assure Emmanuel Vinchon. Lille est toujours une capitale européenne de la culture. L’après est un vrai succès. Lorsque l’on veut sortir, il y a un choix énorme et cohérent de propositions culturelles sur un territoire plus grand  ». Bernard Lartajet ajoute : « à Marseille, nous ne sommes pas parvenus à organiser une biennale. L’association n’a pas voulu s’engager. L’argent restant a été réinvesti dans d’autres projets mais pas dans la création d’un événement ». Une capitale européenne de la culture doit non seulement avoir avoir une vision collective mais aussi voir loin.