Le format chanson lui va si bien. Noé Preszow, auteur, compositeur et interprète belge, écrit des titres enlevés. La pop mélodique et poétique porte des textes engagés et intimes. Noé Preszow regarde le monde et écoute ses sentiments. Le premier album, À Nous, a été un véritable succès et lui a valu une nomination aux Victoires de la musique 2021. Le deuxième, [prèchof], est sorti le 16 février 2024 avec douze titres qui reviennent sur l’adolescence, sur l’amour et l’exil et traduisent des inquiétudes, notamment celle en raison des montées de l’extrême-droite. Noé Preszow est en concert samedi 15 juin à l’Expotec 103 à Rouen dans le cadre de Rush, le festival du 106. Entretien.
Vous avez écrit ce deuxième album, [prèchof], en Ardèche. Avez-vous besoin d’un lieu inspirant pour écrire ?
Je peux écrire partout parce que je suis inspiré devant la moindre feuille blanche. Mais je suis incapable de rassembler mes idées et faire le point partout. Pour ce faire, j’ai besoin des animaux, des arbres, des étoiles… En fait, je pense que j’ai surtout besoin de la solitude et du silence. Je fais un aller et retour entre la ville et la campagne. En ville, je vais à vélo et je regarde les gens. J’écoute leurs histoires. Je lis les journaux. Pour rassembler tout cela, je vais à la campagne. Je me sens en confiance.
Vous avez besoin de faire un plein d’informations jusqu’à saturation.
Oui, c’est exactement ça. C’est tout ou rien. Je fonctionne de cette manière. Je reste en ville pour aller à la pêche aux histoires mais, à un moment, je sature. Alors je vais à la campagne.
Allez-vous à la campagne juste avec votre guitare ?
J’écris pour enregistrer. Pour moi, l’écriture est centrale. Pour une chanson, il faut une bonne musique et un bon texte. Néanmoins, tout part d’un bon texte. Après, je superpose des couches. Là, je suis seul avec ma guitare, mon carnet et mon micro. Ce qui me fait avancer, c’est surtout le micro. Je ne me regarde pas dans le miroir mais je chante dans un micro, un outil simple. Si je n’ai pas de micro, j’écris de petites choses
Votre micro est alors votre miroir.
Oui, c’est mon miroir. Il me renvoie l’état de mon moral, de ma voix. J’enregistre depuis l’âge de 11 ans. Je m’enregistre tous les jours. Quand j’écoute, je sais où j’en suis dans ma vie. C’est comme une photo. Le micro est un indicateur. J’ai besoin d’entendre les mots. Mon truc, c’est mon studio. Quand je travaille sur une chanson, j’entrevois le spectateur ou le spectatrice que je regarde pendant les concerts. Le micro permet aussi le partage. Il est le fil qui se tend jusqu’au public. J’ai l’habitude de chanter dans ma chambre pour me libérer. Je souhaite aussi être entendu parce que la notion de partage est importante pour moi.
Ce partage est possible grâce à votre voix. Lui accordez-vous une place particulière ?
Je ne travaille pas ma voix. Après la tournée du premier album, j’avais envie de davantage de mélodies. J’ai écrit alors de nouvelles chansons plus hautes en terme de tonalité. Quand j’écris, je fais beaucoup de prises. En revanche, lorsque le texte est écrit, je fais juste deux ou trois prises pour ne pas perdre un spontanéité.
Dimanche 9 juin 2024 se sont tenues les élections européennes avec des résultats qui montrent une croissance forte des voix pour l’extrême-droite. Dans Juste Devant, vous évoquez votre inquiétude face à cette tendance en Europe.
Cette montée de l’extrême-droite me fait peur depuis longtemps. J’ai écrit cette chanson lors des dernières élections présidentielles en France. Il y est aussi question d’Europe. Aujourd’hui, je suis effrayé. Je passe beaucoup de temps en France. J’y tourne. En Belgique, nous avons une attention particulière à ce qu’il se passe en France. Cette montée s’observe aussi en Belgique et même en Europe. On connaissait déjà les résultats. Il suffisait d’ouvrir l’œil et de regarder les infos. Maintenant, il faut un sursaut. Ma culture, c’est toujours écouter les gens qui n’avaient pas peur de parler de leurs idées politiques. Cette inquiétude est aujourd’hui partagée par des proches, des amis d’enfance, mes grands-parents.
Vos chansons sont ancrées dans une réalité.
Oui mais j’ai besoin d’un équilibre. Je suis quelqu’un de pragmatique. J’ai besoin de parler de ces actualités et des mystères de l’existence. Plusieurs artistes comme Bob Dylan m’ont beaucoup nourri.
Vous abordez les sujets de manière frontale.
Oui parce que j’ai toujours été habitué au débat, au dialogue. Je suis dans une forme de combativité et de lutte. Ce n’est pas rien d’interpréter une telle chanson sur scène. Je sais qu’il y aura en toute logique des personnes qui ne seront pas d’accord avec moi. Mais je suis bien dans mes baskets. Le deuxième couplet s’adresse aux gens qui votent pour l’extrême-droite mais il ne faut pas y voir de mépris. Je suis prêt au dialogue.
Vous défendez par ailleurs plusieurs causes. Vous parlez de l’Ukraine dans La Gare
Je ne fais pas de hiérarchie mais ma cause, c’est la vie des exilés, des sans-papiers. C’est une préoccupation depuis l’enfance. J’ai participé à plusieurs manifestations. On peut aussi parler de ce qu’il se passe à Gaza et aussi en Ukraine.
Pourquoi revenez-vous à cette période de l’adolescence ?
Cela a été l’élément déclencheur de cet album. J’ai peur de perdre de vue cette période qui est intense et romantique. L’adolescence a été le moment où j’ai commencé à écrire. D’un coup, cela m’est revenu. Cette chanson, Comment fais-tu pour vivre ?, reflète l’envie de prendre des nouvelles de personnes que je ne vois plus. Je prends aussi un peu de recul sur cette période. Je commence à construire ma vie. C’est une expression assez nouvelle pour moi. J’ai ressenti le besoin de ressasser pour pouvoir avancer.
Êtes-vous une personne nostalgique ?
Non, je ne suis pas nostalgique, plutôt romantique. Mon cerveau est fait de flashs. Je suis entre le passé et le futur. Je les utilise comme un outil de travail. J’aime ressentir le vertige du temps.
Infos pratiques
- Samedi 15 juin à partir de 18 heures à l’Expotec 103 à Rouen
- Premières parties : Rédèr Nouhaj, Jean
- Gratuit
- Sans réservation
- Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce