Suite et fin du festival Les Nuits de l’Alligator ce samedi 1er février au 106 à Rouen avec un retour au blues et deux nouveaux émissaires sauvages envoyés par le reptile, le « Kingfish » Christone Ingram et le trio féroce Dirty Deep.
Après quelques pérégrinations en terres presque inconnues pour nous faire découvrir quelques pépites d’ailleurs dans des registres musicaux encore peu joués dans son festival, l’Alligator revient à son premier amour : le blues. Oh pas celui qui fit ses classes dans les champs de coton du Delta, et dans les juke-joints malfamés et enfumés, éparpillés le long du Mississippi. Non, ce blues-là s’est électrifié avec le temps, s’est façonné un nouveau visage en se grimant de pédale wah wah, de distorsion maximum et d’autres effets bénéfiques à une évolution heureuse.
C’est le cas du blues de Christone « Kingfish » Ingram, adorateur de Lightnin’ Hopkins, de Muddy Waters et de Jimi Hendrix, trois références éminemment présentes dans son jeu de guitare, aussi libre que spectaculaire malgré son jeune âge. Ce bluesman pur jus, à la carrure proche d’un B.B. King en version poupon, a grandi dans le Sud, précisément dans la ville de Clarksdale, célèbre bourgade liée au mythe du crossroad où le fameux Robert Johnson aurait pactisé avec le diable pour obtenir une virtuosité exceptionnelle à la guitare. Hélas, la réalité est moins romanesque puisque ce bon Robert a simplement croisé la route du guitariste Ike Zimmerman qui l’a formé en formule accélérée.
Quant à Christone, il ne semble pas avoir invoqué les démons mais il manie la six cordes comme un beau diable et surtout possède une voix rauque et puissante, parfaite pour psalmodier. Kingfish sait surprendre son public en variant les ambiances, lentes et fiévreuses en premier choix, nerveuses et acides, le titre suivant. Un boogie par-ci, un Chicago blues par-là puis un clin d’œil à Hendrix, il traverse le temps à l’aide de ses trois complices de scène tout en faisant le show.
Strasbourg n’est pas connu pour être la ville la plus marécageuse mais le blues y a trouvé quelques admirateurs et spécialistes de choix, à commencer par le trio Dirty Deep emmené par le chanteur, harmoniciste et guitariste Victor Sbrovazzo. Le style du groupe alsacien est qualifié de « heavy blues » et le son supersonique dégagé par ces trois types sur scène confirme clairement cette étiquette inhabituelle dans ce registre. Dirty Deep sonne authentique, même gras et sale quand la saturation prend le dessus et renvoie le groupe aux sources du garage rock.
Il y a déjà quelques années que Victor tourne en solo, en formule one-man band avant d’en découvrir les limites et s’adjoindre la paire rythmique Geoffroy Sourp aux baguettes et Adam Lanfrey comme bassiste ou contrebassiste selon les titres. Déjà auteur de six albums et quelques EP, Dirty Deep ne vient pas de Louisiane mais maîtrise parfaitement les codes du blues et fait honneur aux monstres sacrés du genre. Le festival Les Nuits de l’Alligator boucle son passage rouennais avec ces deux ambassadeurs du blues avant une vingtième édition « anniversaire » qui s’annoncera probablement des plus mordantes. Attention, quand il vous tient, cet animal ne vous lâche plus…
Infos pratiques
- Samedi 1er février à 20 heures au 106 à Rouen
- Tarifs : de 27,50 à 18 €
- Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
- Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce