Durant trois jours, du 12 au 14 mars, une trentaine d’historiens, musicologues, sociologues et artistes se retrouvent à la maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan pour évoquer le Rock, engagements et émancipations (1950-2020). Un vaste sujet choisi par Jean-Christophe Aplincourt, directeur du 106, Pascal Dupuy, maître de conférences en Histoire moderne, et Joann Élart, maître de conférences en Musicologie au Groupe de recherche d’histoire à l’Université de Rouen Normandie, pour parler de conscience politique et de militantisme sur une longue période et notamment aujourd’hui dans un monde instable. Entretien avec Pascal Dupuy.
Y a-t-il une raison particulière à la tenue de ce colloque ?
La même équipe, Jean-Christophe Aplincourt, Joann Élart et moi, avait organisé en 2016 un colloque sur le rock et la violence sous un même format. Celui-ci avait suscité pas mal d’intérêt de la part de sociologues, d’historiens et de musicologues. Nous avions envisagé de le reprendre sur une autre aire géographique, les États-Unis. Il n’a pas encore eu lieu. Nous avons alors eu envie de proposer un colloque sur un sujet qui est dans la continuité du premier. Nous avons commencé à travailler ensemble il y a deux ans pour pouvoir le transmettre à un grand nombre de doctorants et nous avons reçu une quarantaine de communications. Nous en avons sélectionnées une trentaine. L’intérêt pour nous est de parler de l’engagement et l’émancipation.
Pourquoi votre intervalle de temps s’arrête en 2020 ? On peut quand même dire que le rock, comme le punk, is not dead ?
Nous nous sommes arrêtés à des dates rondes. Néanmoins nous maîtrisons moins cette période hyper contemporaine. Il faut plus de recul pour apprécier les mouvements d’aujourd’hui. Quant à la naissance du rock, elle fait l’objet d’assez longues réflexions. La décennie 1950 est une date approximative. Nous gardons une vision classique du rock et de ses déclinaisons, avec le métal, le rap, la guitare… Dans cette histoire, nous savons qu’il y a eu des fractures, des ruptures, des évolutions et plusieurs formes d’engagement.
Le rock est-il toujours associé à la guitare ?
Oui, dans sa genèse et la guitare a été une composante très importante pendant des décennies. Cependant, le terme de rock a été un objet de débat entre nous. Notre objectif est une réflexion sur l’engagement dans les musiques actuelles. Là, le rock peut avoir un côté archaïque.
Pourquoi la naissance du rock fait-elle toujours débat ?
Ce sont des discussions d’experts. Cette histoire peut commencer avec l’enregistrement d’Elvis Presley aux studios Sun. On peut aussi parler de ceux de Bill Haley et de Ike Turner. Cela se déroule entre 1950 et 1954 aux États-Unis. C’est un moment où se croisent plusieurs influences, le rockabilly, la country, le blues, le rhythm’n’blues… Ces trois ou quatre éléments mélangés donnent naissance au rock.
Et en France ?
C’est un peu parodique. C’est Boris Vian et Henri Salvador qui proposent des morceaux ayant l’apparence du rock. Henri Salvador, c’est pour s’en moquer. Boris Vian, proches des milieux du jazz, fait chanter des interprètes sur ce rythme rock mais c’est ironique. Après, il y a une vague de création de groupes. Dans la même chronologie, il faut ajouter l’Angleterre et l’Italie.
Est-ce que le rock était militant ?
Non, absolument pas. Il ne l’a pas été sur toutes les périodes. En fait, rock ne rime pas avec engagement. À partir des années 1960, pour diverses raisons et sous de multiples formes, les artistes vont émettre des idées et faire preuve d’engagement dans leurs paroles et dans leurs musiques. Le virage est entamé mais il ne sera pas toujours suivi ou alors du bout des lèvres. John Lennon est le prototype du musicien engagé. Cela a commencé à la fin des Beatles mais surtout lors de sa carrière solo.
À cette période-là, nous sommes en pleine Guerre froide. Quels sont les types d’engagement ?
Il y a tout un tas d’engagements. Les causes défendues sont diverses et variées. Il y a l’aide aux réfugiés du Cambodge et aux fermiers américains endettés, le refus du nucléaire et du racisme. Ce dernier point sera abordé dans l’exposition qui se tiendra au 106. Certains artistes, comme Clapton et Bowie, ont eu des propos ambigus. Cela a interloqué et donné naissance au mouvement Rock against racism. Arrive aussi la vague punk qui combat ces idées.
Quelle est la place des femmes ?
Il y a eu des mouvements féministes. Les Riots Girls ont défendu la cause des femmes. Le mouvement punk comptait un certain nombre de groupes avec des musiciennes. Il y a un laisser libre cours à l’expression féminine alors que les groupes de rock sont surtout masculins.
Vous faites des comparaisons avec le mouvement punk. Est-ce que le milieu rock est aussi dans le Do it yourself ?
Pour certains, probablement. Il y a des groupes qui refusent d’intégrer des maisons de disques et de production. Comme les Béruriers noirs qui viendront au colloque parler de leurs propres engagements. De nos jours, les choses sont différentes. On a peut-être moins besoin d’une maison de disques. En revanche, il est plus difficile de se faire entendre ailleurs que sur les plateformes. Mais il y a surtout les concerts. Il y a une forte demande de la part des artistes. Pour eux, c’est indispensable.
Le colloque va se terminer sur La Musique en temps de guerre, un thème aujourd’hui d’une actualité brûlante.
Notre collègue, Ekaterina Ganskaya, interviendra à distance. Elle est russe et vit en Italie. Elle ne peut pas venir en France. Si elle sort d’Italie, elle ne peut plus y revenir. Une collègue ukrainienne nous a aussi proposé une communication. En effet, aujourd’hui, c’est plus d’actualité et encore plus inquiétant.
Infos pratiques
- Mercredi 12 mars à 10 heures, jeudi 13 mars à 9h15 et vendredi 14 mars à 9 heures à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan
- Programme complet
- Entrée libre et gratuite
- Réservation à contact_grhis@univ-rouen.fr
- Il est possible de suivre le colloque via ce lien
- Aller au colloque en transport en commun avec le réseau Astuce