Deux ambiances différentes à La Traverse de Cléon samedi 15 mars avec le blues africain de Justina Lee Brown et les prodigieuses reprises du multi-instrumentiste Carlo Poddighe.
On connaît surtout le Nigeria musical pour son mythique chanteur Fela Anikulapo Kuti plus généralement et simplement appelé Fela, artiste et homme politique, initiateur de l’afro-beat. Mais celui qui est considéré comme un demi-dieu dans son pays a aussi ouvert des portes à d’autres générations de musiciens. C’est le cas de Justina Lee Brown en concert à La Traverse de Cléon samedi 15 mars. Cette autrice, compositrice et interprète s’est particulièrement tournée vers le blues mais emprunte à souhait les routes de la soul, du funk ou encore de la pop chantée en pidgin, langage rudimentaire créé à partir de plusieurs langues comme le faisait Fela.
À 40 ans aujourd’hui, Justina symbolise le combat des femmes africaines pour réussir dans le milieu artistique ou simplement exister. Elle est maintenant reconnue, plusieurs fois récompensée pour ses chansons, mais son parcours n’a pas été facile. De son vrai nom Ogunlolu, Justina Lee Brown est née dans la banlieue de Lagos, à Ajegunle, où elle a grandi dans la misère et le rejet. Sa jeune mère vendait des poches d’eau potable sur les marchés pour subvenir difficilement aux besoins essentiels du quotidien.
Une femme libre
Justina passe des heures longues et pénibles dans la rue, assise sur un trottoir pendant que sa mère s’égosille auprès des passants pour leur vendre son seul bien. Le besoin de s’échapper de ce monde effroyable la pousse à taper sur une bassine avec un bâton et à chanter pour oublier sa triste condition. La musique devient vite une nécessité, un remède contre l’ennui. La petite fille écoute sur sa vieille radio les mélodies traditionnelles du pays et les voix enchanteresses de Myriam Makeba, d’Etta James et d’Anita Baker qui lui ouvrent les yeux. Elle veut devenir une artiste et une femme libre.
Elle se rend en Suisse en 2005 où les opportunités professionnelles sont nombreuses. Elle y rencontre lors d’un concert le producteur et musicien Dean Zucchero qui l’aide à réaliser son rêve. C’est le début d’une nouvelle vie faite de concours remportés, de disques aboutis, de concerts dans tous les pays… Mais, malgré la réussite, Justina Lee Brown n’oublie pas d’où elle vient, le Nigeria, où maltraitance et agressions sexuelles sur les jeunes filles sont récurrentes. C’est cette tragédie qu’elle chante dans son dernier EP. Un sujet difficile qu’il faut dénoncer et qui n’est pas propre qu’à son pays natal. Un sujet grave. Un cri d’alarme qu’elle pousse sur scène, « Mon vrai chez moi », comme elle le dit. Et il suffit de la voir pour s’en rendre compte.
Également à l’affiche de cette soirée, le génial musicien italien Carlo Poddighe alias SuperEgo que tous les utilisateurs de réseaux sociaux connaissent pour être tombés au moins une fois sur ses vidéos. Carlo est un « one man band » jouant de la guitare, du clavier, de la batterie tout en chantant. Il s’est spécialisé dans les reprises en une seule prise. Le pari est osé et le résultat est époustouflant comme ce Don’t Let Me Down et cet autre Strawberry Fields Forever des Beatles. S’attaquer aux Fab Four en solo n’est pas à la portée de n’importe quel musicien et SuperEgo nous montre là toute l’étendue de son talent et de ses possibilités techniques. Ce type est un prodige qui mérite de sortir du Net. Une première partie qu’on verra probablement bientôt en tête d’affiche.
Infos pratiques
- Samedi 15 mars à 20h30 à La Traverse à Cléon
- Tarifs : 23 €, 19 €
- Réservation au 02 35 81 25 25 ou sur www.latraverse.org
- Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce