Enrique Thérain : « Les Musicales de Normandie vont survivre »

Les Musicales de Normandie sont un festival nomade qui mêle musique et patrimoine. Chaque été, elles emmènent avec une trentaine de concerts dans les beaux lieux de la région à la découverte de jeunes artistes et ensembles et à la rencontre de formations reconnues. Même si Les musicales se tiennent entre mi-juillet et fin août, Enrique Thérain, président, a pris la décision avec son équipe d’annuler l’édition 2020 du festival. Explication.

L’annulation du festival était-elle inévitable ?

Oui et l’annonce du ministre de la Culture de la possibilité de la tenue de petits festival après la mi-juillet est tombée un peu comme un cheveu sur la soupe. Personne ne sait la mettre en place. De plus, nous avons très peu de concerts accueillant moins de 50 personnes. C’est une annonce très étrange, mal perçue par le secteur culturel. Aujourd’hui, nous avons besoin d’informations claires et précises. Par ailleurs, se pose la question de la reprise des répétitions des musiciens. Comment fait-on ? C’est une énorme responsabilité que l’on doit prendre. Tout comme la reprise de nos salariés. Il est fondamental de ne pas mettre en danger la vie des gens.

C’est une décision difficile à prendre.

C’est terrible. Depuis l’été dernier, nous travaillons sur l’édition 2020 des Musicales de Normandie. La brochure devait être livrée au début du mois de mai. C’est un gros coup d’arrêt à notre projet.

Est-ce que la structure est mise en danger ?

Oui, elle est mise en danger. Aujourd’hui, les tutelles réagissent plutôt bien. La Région répond présente. Il y a des échanges.Cela met également à contribution les équipes. Nous avons déconstruit ce que nous avons construit pendant une année. C’est un coup au moral. Nous perdons beaucoup de recettes propres. Ce sont 150 000 € sur un budget de 250 000 €. Il y a surtout une grande fragilité du côté des artistes qui sont des salariés précaires. Nous allons tout faire pour les rémunérer. C’est un choix que l’équipe des Musicales a pris.

Avez-vous envisagé le report du festival ?

Non, le festival est annulé pour indemniser les artistes autant que l’on peut. Nous ne voulons pas d’un festival réduit. Si vous avez une formation à 40 et qu’ensuite, vous en accueillez 10, il y en a 30 sur le bord de la route. Ces derniers n’ont pas de contrat et ne peuvent pas être indemnisés. C’est très dangereux. En revanche, nous allons essayer de faire jouer ces artistes l’année prochaine. Nous cherchons des dates. Peut-être que ce ne sera pas avec les mêmes équipes mais plutôt avec de nouveaux projets.

Il y aura alors une édition des Musicales de Normandie en 2021.

Nous allons faire en sorte qu’il y ait un festival l’an prochain en tenant compte de cette réflexion d’aujourd’hui. Il y a une vraie conscience écologique dans le secteur culturel. Beaucoup de choses vont changer. Il y a une forme de mondialisation à revoir. Je prône une ultra mondialisation culturelle. Ce qui doit voyager, c’est la culture. Il faut se connaître, connaître la culture des autres. Il faut être curieux. C’est fondamental. La mondialisation économique et financière, c’est fini. Doivent primer la culture et l’écologie. Il faut maintenant veiller à ne pas se faire emberlificoter. Pas de fausses chimères. On va survivre. Les Musicales de Normandie vont survivre. Comment ? On ne le sait pas encore. C’est vrai, le coup est rude.