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Pascal Le Manach : « La culture, c’est une question de lutte »

Entretien avec Pascal Le Manach, employé chez Renault à Cléon, sur la culture en Normandie. Il mène la liste de Lutte ouvrière pour les élections régionales en Normandie qui se dérouleront les 20 et 27 juin.

Quel regard portez-vous sur le paysage culturel normand ?

La première chose que je vois, c’est la situation du monde culturel aujourd’hui. Celui-ci a souffert de la crise sanitaire. Il est important de rappeler qu’il a été considéré comme non-essentiel. Mais c’est évident que la culture est essentielle pour tout le monde. Je suis de tout cœur avec les personnes qui travaillent pour la culture, qu’ils soient artistes, techniciens, directeurs de salles… Je suis aussi de tout cœur avec l’action des intermittents qui se battent pour pouvoir vivre décemment. Lors de cette campagne, je veux faire entendre la voix du monde qui travaille non pas pour une culture élitiste mais pour une culture pour tous.

Qu’est-ce qu’une culture élitiste ?

Il y a tout d’abord une question de prix. Quand je vois le prix d’une place de cinéma, c’est trop cher. Un grand nombre de spectacles restent encore inaccessibles. L’opéra, c’est une culture relativement élitiste. Là aussi, les places sont trop chères. Ou alors, si vous voulez des places bon marché, vous vous retrouvez tout en haut, au fond. C’est de la discrimination.

La culture pour tous est un sujet qui revient depuis des décennies. Comment y parvenir ?

C’est une question en lien avec la société dans laquelle on vit. Le monde de la culture est une image de la société. Quand il y a des mouvements sociaux, il doit être en lutte. Comme en mai 1968, il était présent pour amener des idées de changements. Dans ces moments de crise économique, de recul des idées, c’est difficile pour la culture.

Que peut une collectivité, comme une Région ?

Je n’attends rien de ces élections. Elles ne changeront rien. Peut-être de président mais ce n’est pas sûr. Il ne faut rien attendre de la Région qui distribue de l’argent aux entreprises. Comme toujours, les plus riches s’enrichissent. En un an, leur richesse a augmenté de 50 %. Il faut maintenant que la culture aille en direction de la population. Cela fait partie du monde du travail. La culture, c’est une question de lutte. Il faut se souvenir : quand Macron est arrivé au pouvoir, il a supprimé les emplois aidés, certes pour des travaux mal payés et précaires. Or ils étaient nécessaires pour la vie quotidienne du monde culturel et sportif. C’est un réel manque.

Quelle est la force du milieu culturel en Normandie ?

C’est une force. Comme partout, les lieux culturels sont indispensable. Je viens d’un milieu ouvrier. Là, il n’y avait pas de culture. Il a fallu que je rencontre des personnes pour que j’y accède. Les maisons des jeunes et de la culture avaient un rôle très important et des moyens pour amener les habitants vers la culture. Aujourd’hui, il n’y a plus cette volonté politique.

Vous l’avez souligné. Les artistes traversent difficilement cette crise sanitaire. Comment une Région peut les accompagner ?

Il faut les aider pour la création, la production. Il faut leur donner les moyens de vivre correctement. C’est difficile de travailler avec la peur au ventre. Les artistes n’ont jamais la garantie que leur création rencontre le succès. Il faut être là. Il faut que tout cela change. Pour cela, il faut une volonté de la population pour changer la situation économique et sociale et celle de la culture. Quand le gouvernement et la Région lancent des plans de relance, l’argent ne va pas dans les poches du monde du travail et de la culture. En tout cas pas dans celles des petites gens qui ont de moins en moins de moyens.

Quelle place voulez-vous donner à la culture ?

Elle a sa place dans la société. Comme le monde du travail. S’il n’y a pas de mouvements sociaux, pour arrêter ce recul, le monde de la culture va subir le même sort. Les inégalités vont continuer à se creuser.