/

Interview de Mokaiesh : « j’écris comme je peux »

DSCF0818Cyril Mokaiesh pèse ses mots avant de répondre à toutes questions. Parce qu’ils ont un sens et qu’il s’est toujours révélé un habile auteur. Cyril Mokaiesh s’est dévoilé comme un homme engagé sur le premier album, Du Rouge et des passions, il se présente comme un amoureux dans L’Amour qui s’invente. L’amour est le thème principal de ce nouveau disque. Cyril Mokaiesh l’aborde avec fougue et poésie et de manière plurielle. Il y a l’amour fou, celui qui s’use, l’attente et la rupture. Cyril Mokaiesh joue vendredi 16 janvier au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen. Avant son concert, il a accordé une interview à 8 élèves de seconde Littérature et société du lycée des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen.

 

Votre deuxième album est très différent du premier. Comment est-il accueilli ?

Il a été accueilli comme un album différent. Je voulais en effet écrire un album différent. J’étais très indigné sur le premier, je voulais mettre plus de sentiment sur le deuxième. Cet album aborde le sentiment amoureux.

 

Pourquoi avez-vous un seul thème ? Pourquoi le thème de l’amour ?

Je l’ai écrit à un moment de ma vie où j’avais envie de parler du sentiment amoureux des tumultes amoureux. Le titre, L’Amour qui s’invente, porte bien son nom. C’est un thème essentiel parce que l’amour guide nos vies, la mienne notamment. Peut-être que le manque d’amour peut pousser les gens vers d’extrêmes affres.

 

Quand on aborde le thème de l’amour, il est impossible de se cacher. Comment avez-vous gommé votre pudeur ?

Il y a plusieurs manières d’écrire. Mon point de départ est toujours ce que je vis, ce que je ressens. J’essaie ensuite de poétiser afin de donner à mes histoires une portée universelle. J’ai besoin de vivre les choses pour écrire afin de me sentir presque honnête et d’avoir plus de crédibilité dans ce que je raconte. Il y a des textes qui peuvent paraître impudiques, comme La Demande. Mais j’écris comme je peux.

 

 

 

Vous avez écrit une chanson sur la jeunesse. Est-ce une période qui vous rend nostalgique ?

Non, ce n’est pas une période dont je suis nostalgique. Je fais partie d’une génération à qui on n’a pas toujours parlé de politique, d’amour… Nous n’avons pas d’idéaux. On a oublié le sens de la communication, de l’échange, le sens commun. nous passons notre temps que les écrans. Il fait se méfier de cela parce que tout ça isole, empêche d’avoir des idéaux, de faire avancer la connaissance humaine. Aujourd’hui, beaucoup de choses s’effondrent. Notamment le capitalisme. Nous sommes arrivés au maximum où nous pouvions aller. C’est à votre génération de trouver de nouvelles choses.

 

Buenos Aires est une autre chanson d’amour. Mais c’est une déclaration d’amour à une ville. Pourquoi Buenos Aires ?

J’ai écrit la plupart des chansons à Buenos Aires. Ce titre est un clin d’oeil à celui de Barbara. C’est aussi un voyage, autre thème de l’album. J’ai eu envie d’écrire une chanson sur une ville dont je suis tombé amoureux. C’est une ville qui m’a régénéré. Il y a une énergie dans la rue. Les habitants ont le sens de la fête, de la communication. Certes, le climat aide beaucoup. C’est aussi un hommage à une ville.

 

Est-ce que La Nuit, titre d’une des chansons, est plus inspirante pour vous ?

Sur ce disque, oui. Il est noctambule. Je trouve que la nuit est une forme de revanche sur le jour, sur ceux qui ne sont pas dans les cases, dans les clous, qui sont différents. J’ai la sensation que tout est permis la nuit. Les coeurs et les langues se dénouent plus facilement. Les échanges les plus profonds se déroulent la nuit.

 

Est-ce que Partir, titre d’une autre chanson, est toujours la solution ?

L’homme est un navigateur, un voyageur. Tout le monde rêve de partir tout le temps. L’homme est un nomade qui a besoin de se nourrir d’autres cultures, de changer son regard, d’être changé par d’autres. Le drame de l’homme est de rester toujours au même endroit. il faut sortir de son cocon. C’est très rassurant, régénérant.

 

 

Quelles sont les musiques qui influencent aujourd’hui vos compositions ?

J’ai beaucoup écouté de chanson française. En ce moment, je me laisse aller à ce que je fais. En revanche, je regarde des films, je lis. J’écoute davantage de musique classique, de jazz. J’écoute sans penser à mon inspiration. Je m’intéresse moins au rock et plus à la musique latine, aux musiques qui ne sont pas les miennes.

 

Que ressentez-vous lorsque vous jouez ?

Jouer, c’est l’éclate. C’est une espèce de tourbillon. A chaque concert, tout va très vite. J’essaie d’y mettre toujours beaucoup d’intensité. Je sens que quelque chose m’emporte. Ce sont ces moments que je recherche. Et c’est pour cette raison que j’écris des chansons.

 

Est-ce que la culture libanaise nourrit votre écriture ?

Non, je ne pense pas. Ce qui me nourrit, c’est de pouvoir partir là-bas. Le Liban est un pays très inspirant. Ici, c’est le bordel. Là-bas, c’est un autre bordel. C’est une respiration. Mes grands-parents habitent au Liban. Je ne pourrais pas y vivre mais je ne pourrais pas ne pas y aller.

 

Entre le succès rencontré dans le tennis et celui de la chanson, quel est celui qui vous a le plus fait  vibrer ?

Cela n’a rien à voir. C’est la musique qui me fait vibrer. J’ai commencé tôt et arrêté tôt le tennis parce que ce sport ne me plaisait pas. Je n’ai pas eu de grands frissons.

 

Votre premier album était très engagé. Que ressentez-vous après l’attentat contre Charlie Hebdo et la prise d’otages dans l’Hyper Cacher ?

De la tristesse. Aujourd’hui, je me pose beaucoup de questions auxquelles je n’ai pas de réponses. Je n’ai pas envie de parler de religion. Je préfère axer ma réflexion sur le social, le culturel. C’est l’ignorance qui fabrique de tel acte. Quand on a une conscience, une morale, on ne se réfugie pas dans une religion. Les personnes qui sont perdues, qui ne peuvent donner de sens à leur vie se laissent endoctriner. Peut-être que si notre république fabriquait du sens à ces gens, si elle prenait les mesures pour ne pas les laisser sans rêve, la religion ne s’emparerait pas de leur âme. Il faut réfléchir maintenant sur des sujets comme la laïcité, la culture et l’éducation.

 

Propos recueillis par Ophélie, Alexandra, Célia, Darina, Manon, Magdaline, Victoria et Mélissa