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“Butterfly”, entre réalité et fantasmes

photo Steve Barek

Le public a été conquis le soir de la première, mardi 25 septembre, par la lecture de Madama Butterfly de Puccini par Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil. Leur Butterfly, itinéraire d’une jeune fille désorientée confronte deux époques et deux continents. À voir jusqu’au 7 octobre à l’Opéra de Rouen Normandie.

photo Steve Barek

Cette histoire d’amour finira mal. On le sait dès le début. Alors qu’il va se marier avec une jeune Japonaise, un officier américain n’oublie pas « ses véritables noces avec une épouse américaine ». Simple fantaisie, pour lui, qui ira jusqu’au drame, pour elle,. C’est l’histoire de Madama Butterfly, un opéra de Puccini. Lors d’une escale dans le port de Nagasaki, le lieutenant Pinkerton achète en même temps une maison et une Geisha de 15 ans, Cio-Cio-San, surnommée Butterfly. La durée de la vie de cet amour ne sera pas plus longue que la celle de la vie d’un papillon. Pas pour la jeune épouse, fortement éprise de son soi-disant mari. Elle attendra bien patiemment pendant trois ans le retour de cet homme, reparti dans son pays. Quand Pinkerton décide de revenir à Nagasaki, il ne sera pas seul, mais avec Kate, sa femme. Il aura aussi une volonté : emmener l’enfant de Butterfly, né pendant son absence. La douleur est trop intense pour la jeune femme, abandonnée par sa famille, qui se donnera la mort.

Avec le tandem Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil, Madama Butterfly devient Butterfly, itinéraire d’une jeune femme désorientée, joué jusqu’au 7 octobre à l’Opéra de Rouen Normandie. Les deux metteurs en scène restent fidèles à la partition de Puccini, une version courte validée par le compositeur, « la plus haletante », selon eux. C’est la lecture de cette œuvre qui est singulière. Sans oublier une scénographie surprenante avec cette grande boîte suspendue à trois mètres du plateau.

Dans les rues de Rouen

Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil font voyager entre Nagasaki et Rouen, entre les XXe et XXIe siècles. Dans l’acte 1, Cio-Cio-San, vêtue de son habit de geisha, est dans une demeure traditionnelle, facilement reconnaissable avec ses panneaux coulissants et autres objets japonais. Sur l’écran, une Française, avec un blouson Hello Kitty, une mini-jupe et des Dr Martens,  déambule dans les rues et dans le port de Rouen un casque sur les oreilles pour écouter l’opéra de Puccini. Cette « jeune femme désorientée » s’identifie alors à l’héroïne de Madama Butterfly. Juste un peu d’exotisme pour s’évader.

Un effet miroir s’opère dans la deuxième partie. L’appartement est devenu celui d’une jeune Occidentale fragile, pas très bien dans sa peau et en manque d’amour. L’écran géant projette des planches de manga. Quant à l’orchestre, avec le chef, les musiciens et musiciennes, tous habillés de kimonos, il a pris place sur le plateau. Le dénouement rappellera une scène d’un film bien connu.

Une intimité

Ce Butterfly interroge également l’incompréhension, les différences culturelles entre Orient et Occident. « À la fin du XIXe siècle, il y a une fascination pour le Japon. Les élites cultivées de cette époque découvrent le pays, les arts, les estampes, les vêtements. Il y a une mode. On s’achète même des kimonos. Or les fantasmes n’empêcheront pas les erreurs de lecture de la culture »., expliquent les deux metteurs en scène.

Dans cet opéra, il y a une réalité et aussi le rêve, les espoirs, les fantasmes. Tout cela vient se frotter. Comme le soulignent les images qui permettent d’entrer dans la psyché de la jeune femme. Et le mariage, est-il vrai ? Et l’enfant qui apparaît sous la forme du robot, quelle place peut-il prendre ?

Le Butterfly de Clarac et Delœuil est une magnifique production, colorée qui emmène avec poésie dans les méandres de l’intimité d’une femme. Elle est portée par huit interprètes aussi talentueux.  Camille Schnoor est une Cio-Cio-San bouleversante avec ce côté naïf, aussi à l’aise sur scène qu’à l’écran.

Infos pratiques

  • Mardi 25 septembre, jeudi 27 et samedi 29 septembre à 20 heures, mardi 2 et vendredi 5 octobre à 20 heures, dimanche 7 octobre à 16 heures au Théâtre des Arts. Tarifs : de 68 à 10 €. Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr