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Sophie Rosemont : « Le rock épouse une évolution de la société »

Des femmes dans le monde du rock ? Oui, elles sont présentes et bien présentes depuis des décennies. La plupart d’entre elles sont des figures emblématiques, reconnues pour leur style et leur engagement. Dans l’histoire musicale, ces autrices, compositrices et interprètes ont trop peu de place. La journaliste Sophie Rosemont leur en offre une dans son livre, Girls Rock. Elle sera mercredi 5 février au 106 à Rouen pour une conférence sur toutes ces rockeuses. Entretien avec Sophie Rosemont.

Avez-vous été réellement étonnée lorsque vous avez découvert que l’on accordait peu de place aux femmes musiciennes ?

Non, je ne pense pas. Dans tous les domaines que la société porte, les femmes n’ont pas beaucoup leur mot à dire. Elles sont moins respectées, moins payées… Elles se heurtent davantage à ce plafond de verre. On a mis des années à découvrir le rôle de Marie Curie. Ce fut la même chose en poésie. Dans le rock, c’est tout aussi vrai. Quand on pense rock, on pense viril, radical, abrupt, do it yourself… Beaucoup pensent que les femmes ne sont pas assez malines pour faire ça. Mais que ces idées circulent encore en 2020, cela doit nous étonner. On ne parle pas assez de Patti Smith, Marianne Faithfull — sauf pour dire qu’elle est la muse de Mick Jagger —, de Joni Mitchell…

Il est difficile de décliner le mot rock au féminin.

Cela a été assez compliqué, voire inconcevable. Beaucoup trouvaient cela bizarre. Encore aujourd’hui, quand on parle de rock, ce sont les noms d’hommes qui viennent en premier. On pense à Elvis, à Led Zeppelin. Ceux de Joan Jett, Chrissie Hynde, de Patti Smith arrivent plus tard. Pendant longtemps, on n’a pas compris comment une femme pouvait prendre une guitare. Ce chemin suit l’évolution de la société. Il y a quelques années, on n’associait pas non plus femme et émancipation ou femme et travail. Le rock épouse une évolution de la société. C’est différent dans la pop.

Avec ce livre, Girls Rock, avez-vous voulu rendre hommage à ces femmes ?

Tout à fait. J’ai voulu replacer leur histoire dans un contexte, mettre en exergue leur parcours, leur talent. Certains ont eu un coup de chance à leur début et ont disparu très vite. C’est difficile de tenir une carrière. C’est difficile pour un homme aussi mais cela l’est davantage pour une femme. J’ai en effet souhaité rendre un hommage à ces femmes qui ont apporté beaucoup à la musique et qui ont payé un lourd tribut.

“Quand elles vont jouer, il y a toujours un mec qui vient leur expliquer comment brancher une guitare ou un synthé”

Est-ce que toutes ces femmes ont mené un combat ?

La plupart d’entre elles se sont battues comme des malades. Elles ont dû utiliser des stratagèmes pour y parvenir. Cela a rarement été simple. Kate Bush a lancé sa carrière à la fin des années 1970. Elle a été repérée très tôt par David Gilmour. C’est une femme tellement perfectionniste qu’elle s’est épuisée. Certains ont dit qu’elle avait arrêté parce qu’elle avait eu un enfant. C’est faux. Ce système ne lui convenait pas. Des artistes noires qui n’avaient pas d’argent ont fini dans la misère. Elles ont combattu toute leur vie sans y parvenir. D’autres ont mené des combats plus joyeux. Comme Beth Ditho. Sans oublier toutes celles qui ont subi des agressions sexuelles et qui ont mené leur carrière quand même.

Sont-ce toutes des femmes militantes ?

Elles le sont toutes à leur manière. PJ Harvey, Patti Smith sont des militantes. Joan Baez a un parcours différent. Elle est d’abord militante. Comme elle savait jouer de la guitare, sa musique a été un outil de communication. C’est pareil pour Odetta quand elle découvre la protest song. Pour elles aussi, le rock est là pour faire passer des messages, dessiner son propre chemin.

Est-ce que le parcours de ces femmes a influencé les artistes d’aujourd’hui ?

Oui. Clara Luciani, Jeanne Added, Marie-Flore ont été influencées par ces femmes charismatiques. Calypso ne cache pas son admiration pour la figure de Blondie. Clara Luciani aime la sensualité de PJ Harvey quand elle porte sa guitare. Marie-Flore adore la sincérité à fleur de peau de Cat Power. Sans ces modèles-là, beaucoup de chanteuses n’existeraient pas. Leur message était clair : toi, ma fille, tu vas pouvoir faire de la musique. Toi, tu vas y aller.

Est-ce qu’il y a de l’admiration entre ces femmes ?

Oui, bien sûr. Il y a beaucoup d’admiration. Il n’y a pas de conflit entre elles. J’ai même entendu de très belles choses de la part de chanteuses sur d’autres chanteuses. Ce terme de sonorité n’est pas vain. Toutes savent quelle galère chacune peut vivre. Quand elles vont jouer, il y a toujours un mec qui vient leur expliquer comment brancher une guitare ou un synthé. Entre elles, il y a de l’affect, des liens amicaux importants.

Infos pratiques

  • Mercredi 5 février à 20 heures au 106 à Rouen.
  • Entrée libre